Le Non Autorisé, le gâteau interdit de Noirmoutier

L’histoire que je vais vous rapporter est véridique et m’a été contée par Monsieur Giraudet, dont le papa était patissier sur l’Ile de Noirmoutier.

Nous sommes pendant la dernière guerre, sur l’Ile de Noirmoutier occupée par de grosses garnisons allemandes.

Monsieur Giraudet, (le père),  était apprenti chez son oncle, Monsieur Grillard, boulanger-pâtissier dans la grand’rue de Noirmoutier-en-l’Ile.

La boulangerie ayant été réquisitionnée, tous les jours de la semaine Monsieur Grillard devait fabriquer le pain pour la consommation des allemands. Ceux-ci ne toléraient que deux journées pour la préparation de pâtisseries destinées aux gens de l’ile.

Les produits nécessaires à la réalisation des divers gâteaux se faisaient rares, voire pour certains interdits. Madame Grillard tenait un petit magasin-épicerie dans le bourg de Saint-Gervais, sur le continent, à une vingtaine de kilomètres de l’ile. Elle s’est alors lancée dans un troc avec les gens du bocage, dans les terres du département, échangeant des clous contre les oeufs et le beurre.

Pourquoi les clous ? selon des explications qui m’ont été fournies, ils servaient à ferrer les chevaux

On pouvait s’approvisionner en farine, sur l’ile, mais elle entrait avec des acquits, pratique qui a perduré jusque dans les années 60.

Pour les amandes qui entrent dans la composition dudit gâteau il y en avait beaucoup à Noirmoutier à cette époque.

Monsieur Grillard a donc mis au point ce gâteau avec les produits non autorisés de cette période, troqués par son épouse. Pour narguer un peu les occupants allemands, il décorait au pochoir le dessus du gâteau avec une fleur de lys en sucre glace.

Pendant cette période où la boulangerie était réquisitionnée, les allemands en ont profité pour refaire des travaux dans l’ensemble du magasin, notamment le carrelage au sol. Un de ces soldats allemand, du nom de Karl Hoc, a même gravé son nom dans le béton.

Il y a environ 20/25 ans, un homme s’est présenté au magasin. A Madame Grillard qui l’a reçu, il a demandé à voir son mari. C’était Karl Hoc, il avait souhaité revenir sur les lieux de cette triste période, des années plus tard. Les retrouvailles ont été teintées de beaucoup d’émotion.

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Ce gâteau non autorisé se compose d’une pâte à progrès – c’est à dire une meringue avec de la poudre d’amande – dressée en 3 disques entre lesquels on étale une crème au beurre. Le gâteau est entièrement masqué de crème au beurre et on recouvre d’amandes effilées et de sucre glace.

Il est conseillé de le conserver au frais pendant 24 heures, il est encore meilleur passé ce laps de temps.

La pâtisserie de Noirmoutier a continué à faire ce gâteau pendant de nombreuses années.

INGREDIENTS

Pour la pâte à progrès :

  • 125 g de sucre semoule
  • 125 g de poudre d’amande
  • 6 blancs d’oeufs
  • 15 g de farine T 55

Pour la crème au beurre :

  • 225 g de beurre
  • 4 jaunes d’oeufs
  • 150 g de sucre semoule
  • 1 càc d’extrait de café
  • 75 g d’eau

Pour la finition :

  • 200 g d’amandes effilées
  • sucre glace


PREPARATION :

1 – Allumer le four à 180 °.

2 –  la pâte à progrès :

– tamiser la poudre d’amandes avec 95 g de sucre et la farine,
– monter les blans en meringue serrée avec 30 g de sucre,
– mélanger les deux sans excès.
– Dresser la pâte :
– Sur papier sulfurisé ou de cuisson, dresser 3 disques de 20 cm de diamètre à l’aide d’une poche à douille de 8,
– mettre au four en le baissant à 150 ° pendant 40 mn, jusqu’à ce que le dessus soit bien coloré.

3 – la crème au beurre :

– préparer le beurre en pommade,
– cuire le sucre au grand filet (110°) et le verser sur les jaunes tout en fouettant,
– à complet refroidissement, adjoindre le beurre petit à petit,
– parfumer avec l’extrait de café. ( si la crème se défait, la passer sur feu vif tout en fouettant).

4 – Le montage :

– une couche de pâte à progrès, une fine couche de crème au beurre, répétez 2 fois l’opération ; masquez de crème au beurre et recouvrez d’amandes effilées grillées.
Saupoudrez de sucre glace sur la surface et réservez 24 heures au frais avant de déguster.

Ne s’improvise pas patissière qui veut et autant être honnête, ce premier essai ne fut pas très réussi… côté esthétique… car côté gustatif, Monsieur a adoré.

De nos jours, on ne fait pratiquement plus de crème au beurre, la patisserie a évolué vers des desserts beaucoup plus légers.

Si vous avez envie de retrouver le goût de ces desserts d’autrefois pourquoi ne pas essayer ?

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40 Responses

  1. une bien joilie histoire qui donne toute sa mesure à ce dessert qui a l’air tres bon

  2. Tiuscha dit :

    Je ne dirais pas mieux. L’histoire a du bon parfois…

  3. vanessa dit :

    c’est touchant ce pan de l’histoire raconté au travers d’ un gâteau !

  4. Anonymous dit :

    Bonjour Marie-France,,c’est Cath du blog le sablais, il n’est pas parfait au niveau de la présentation mais qu’est ce qu’il a l’air bon.
    Merci d’avoir laisser un petit mot sur mon blog.
    Maintenant on attend Michel Desjoyeaux avec impatience à la fin de la semaine.
    A bientôt

  5. Brigitte dit :

    Bien belle histoire que celle de ce gâteau au gout d’interdit !
    J’imagine l’émotion des ces deux hommes, les guerres sont franchement nulles, la preuve

  6. michette dit :

    Je connaissais ce gâteau très gourmand mais pas son histoire.
    Merci
    bises

  7. Amélie dit :

    Je ne connaissais ni le gâteau ni son histoire donc merci de nous le faire découvrir ! 😉

  8. Mamina dit :

    Avec son parfum d’interdit, ce gâteau est encore meilleur. Merci pour l’histoire. passe un bon dimanche.

  9. Mimilafée dit :

    Ah les gâteaux de la pâtisserie Giraudet, je m’en souviens comme si c’était hier en particulier la tartelette au citron … mummmm

  10. Anonymous dit :

    coucou MF
    j’adore la cuisine « racontée » car la recette n’en prend que plus de valeur et même si je n’aime pas la crême au beurre j’aurais volontiers goûter ton gâteau !!!! joli partage … joL (ex bonne gourmandise)

  11. PHILIPPE dit :

    Tu nous dis qu’à cette époque, il y avait beaucoup d’amandes sur l’île de Noirmoutier, mais je te rassure, il y en a encore pas mal. Surtout l’été où les contrôles de Gendarmerie sont très fréquents…
    Je vois que Patrick Giraudet a conservé les souvenirs qui font l’histoire de cette Pâtisserie de renom.

  12. Henriette dit :

    Je ne suis pas très bonne pâtissière mais cette histoire est si touchante que je vais m’essayer à ce gâteau ne serais-ce que pour honorer ces courageux pâtissiers.
    Merci Marie-France de cette si belle histoire
    Amitiés.
    Henriette.

  13. Eglantine dit :

    C’est une très jolie histoire que j’ai pris grand plaisir à lire. Pour le gâteau, c’est autre chose, je n’aime pas trop la crème au beurre mais il ravirait ma soeur !

  14. soso dit :

    merci pour cette belle recette et son histoire 🙂

  15. Une bien belle histoire Marie-France. J’aime bien ce genre d’histoires, très tochant.

  16. bloga2 dit :

    J’aime bien tout ce que tu nous raconte ! Rien que parce qu’il a un petit goût d’interdit et qu’il y a une crème au beurre je me lancerai bien dans la patisserie !

  17. Carole dit :

    J’aime beaucoup les recettes qui ont une histoire mais là je prends l’histoire et je passe mon tour pour la réalisation car je ne suis pas une grande fan de la crème au beurre.

  18. pas esthétiquement réussi???? que me chantes tu là toi! en plus de cette bien belle histoire, non seulement le résultat est plutôt top pour une première mais en plus…j’en voudrais tant une petite, toute petite part… Tu m’en réserves une pour notre folle équipée écavienne sur la Vendée hein, j’y compte bien! ;-)))))
    Biz

  19. mise en bouche dit :

    Une visite amicale de l’Aisne où la grisaille est toujours là 🙂 grosses bises et bravo pour tes recettes Claire

  20. JO dit :

    Comme je ne connais pas ce gâteau, eh bien pour moi, il est parfaitement beau et comme je ne doute pas de tes réussites culinaires, il devait délicieusement bon et je te dis BRAVO.
    BIZZZ – JO

  21. AH, le goût de l’interdit ! ;o) La crème au beurre, j’en ai refait pour la première fois depuis 20 ans avec mes bûches de Noël (aromatisée à la Marie-Brizard …) et tu sais quoi ? Qu’est-ce que c’était bon ! ;o))
    Bises
    Hélène

  22. jluc dit :

    Un très beau gâteau qui est entré dans la légende et que tu nous restitue !
    une recette a essayer, en effet car ce genre de produit devient rare, tout change.
    bises

  23. océane dit :

    dès qu’il y a des pommes, j’adore

  24. eleonora dit :

    Un petit coucou Marie-France pour te souhaiter un bon dimanche avec je l’espère du soleil. Temps très froid chez nous et il gèle toujours le matin. Comme j’ai tout dans mes placards ( rire )…je vais me la faire le prochain week-end. Demain, j’ai du monde et j’ai déjà prévu le menu…alors je te garde bien au chaud petit gâteau interdit.

  25. cuisine85 dit :

    Jolie histoire et un gateau bien appétissant ! Un peu trop riche pour moi en ce moment !
    amitiés Patrick

  26. Natacha dit :

    Je ne connaissais ni la gâteau, ni son histoire. Merci pour ce beau billet.

  27. Cuisineflo dit :

    J’adore Noirmoutier, mais je n’ai pas eu l’occasion d’y goûter son gâteau.
    Avec votre recette, cela devient possible, vive Marie France et ses bonnes recettes.
    Merci à vous
    Amicalement, Fl♥rence

  28. monique dit :

    j'ai adoré ton "historiette"! je pense que comme Eric, je vais tester ce dessert. Bonne journée. Bises.
    (j'attends tes consignes pour la recette que je dois faire avec l'alcool que tu m'as passé à Soissons).

  29. Isabelle dit :

    Bonjour,

    c'est une belle histoire…. et le gâteau donne envie.
    Merci

  30. Richomme dit :

    Une histoire bidon, mon arrière grand-père a crée ce gâteau des dizaines d'années avant l'occupation allemande, dans le village de Batz sur Mer, près de la Baule.

    Il a d'ailleurs été le premier du département à s'acheter une voiture, le succès était tel que l'ont voyageais de toute la France pour se procurer un non-autorisé.

    Bien essayé, mais Mr Giraudet

  31. Richomme dit :

    On peut même être encore plus précis : le lieu de création du non-autorisé est le village du Grand Fougeray, en Ile et Vilaine.

    C'est par la suite que la tradition familiale a perduré dans le village de Batz sur Mer.

  32. Ouh la ! voilà un gâteau dont la crème vire à l'aigre !
    Félicitations à votre grand-père s'il a créé ce délicieux gâteau.
    Bidon, pas bidon, j'aime cette histoire et je préfère continuer à y croire, ne m'en veuillez pas.

  33. Catherine dit :

    Superbe ! Je suis en vacances à Noirmoutier en île et je recherchais une pâtisserie typique, alors là je suis gâtée ! Merci pour ce partage

    • mariefrance.thiery dit :

      Eh ! bien, je suis ravie que vous ayez trouvé votre bonheur, et vous allez vous régaler à la pâtisserie Giraudet, c’est certain. Merci de votre visite, à très vite. Je fais aller faire un petit tour sur votre blog.

  34. Yves Le Bec dit :

    L’histoire de Monsieur Giraudet est vraie. De 1937 à 1952, j’allais en vacances chez François et Madeleine Grillard, boulanger-pâtissier grand’rue à Noirmoutier. Nous les appelions Tonton François et Tante Madeleine. Aucun lien de famille mais Madeleine et ma mère étaient amies d’école. Mes parents étaient relativement pauvres ( instituteurs libres à Montaigu ), et les Grillard leur offraient généreusement le couvert et une partie du gite. Nos mangions la cuisine de Marie Pagot et de Tante Madeleine. J’ai vu le « laboratoire » en pleine action, pendant et après la guerre. Je me souviens parfaitement de la confection du non-autorisé ( je revois le chef patissier, dont j’ai oublié le prénom, déboucher son entonnoir de crême en aspirant l’embout ) et de la « trouvaille » de son nom par Tonton François. J’avais même dessiné, à l’époque, l’étiquette pour les galettes Saint Philbert et fait les caricatures de François et de son grand copain Julien Mallard ( forgeron de la Garde Républicaine ).

    • Le ridant marie dit :

      Je suis la nièce la vraie de tonton François et tante madeleine.
      Je me souviens de vous.
      Bien sur tante Marie et La lie à la cuisine.
      Julienne a la boutique.
      Nous couchions au dessus du laboratoire.
      Le seul nom de pâtissier dont je souvienne c’est « coco »
      Mon oncle l’aimait beaucoup et lui rendait visite à Auray où il s’était installé.
      J’ai une photo de l’ouverture de la patisserie….
      Merci et amicales pensées

  35. Le ridant marie dit :

    Bonsoir, merci .
    Je suis la nièce de Mr Grillard. Je passais mes vacances à Noirmoutier, le remplissage de boîte de galette, les pavés du gois,,,les livraisons de gâteaux dans l’île..que de souvenirs.
    Merci à Mr LE bec d’avoir évoqué tous les visages familiers.
    Un grand regret :que Mr giraudet son neveu et successeur lui ai ôte la paternité des gâteaux phares de la patisserie

  36. Yves Le Bec dit :

    Bonjour Marie.
    Le Ridant, c’était le nom de famille de tante Madeleine, et sa sœur Jeanne était la marraine de mon frère Jean….tout ceci pour les souvenirs, et pour dire que je me souviens du pâtissier Coco mais aussi de son « chef », plus âgé : Francis. C,’est de lui dont je voulais parler. Francis avait 1 ou 2 aides selon la saison, mais c’est lui que j’ai vu le premier confectionner le non autorisé. A cette époque, pendant la guerre, François Grill ard effectuait les livraisons, d’abord en charette a cheval, puis en voiture avec sa Renault Celtaquatre. C’était le bon temps. Aujourd’hui je vais manger un non autorisé bigouden, mais c’a n’a rien à voir…

  37. Le ridant marie dit :

    Je suis vraiment heureuse que vous ayez répondu à mon message.
    Mon père faisait effectivement les livraisons avec tonton François en charrette à cheval.
    Ma soeur et moi n’avons connu que la 403 commerciale…
    Tante Jeanne s’est exilée au roaliguen dans le Morbihan
    Pour ma part la presqu’île de rhuys étant devenue un immense camp de vacances j’ai préféré venir vivre à Josselin.
    Pas de spécialité locale…
    Bonnes fêtes de fin d’année

    • MarieFrance.Bertaud dit :

      Merci pour tous vous échanges sur ce gâteau emblématique. Je n’ai fait que partager cette histoire, mais je suis heureuse qu’elle puisse rassembler et réveiller d’agréables souvenirs. Je vous souhaite un agréable week-end.

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