Le cocktail du singe de Brétignolles
Léon le garde-côte, surnommé au village Le Dragon de la Poironnière eu égard à ses états de services dans le corps des Dragons, contemplait éberlué le tonneau échoué sur la petite plage de la Parée, à Brétignolles-sur-Mer. Un attroupement d’hommes s’était formé autour de lui, et chacun y allait de ses suppositions.
Bah, après-tout ce n’était pas la première fois qu’une barrique finissait sa vie sur les rivages de la petite commune, cela ne semblait pas surprendre nos bonshommes. Il fut décidé très vite, et à l’unanimité, de la percer. Aussitôt dit, aussitôt fait : un liquide, blanc, s’en échappe. Un des hommes, plus hardi que les autres commence à y goûter. « Mais c’est qu’o l’est vré bon c’t’affaire ». Tout le monde veut y goûter maintenant, et chacun de convenir qu’il s’agit d’une eau de vie d’excellente qualité, sûrement à base de rhum.
L’alcool commençait à faire son effet sur nos hommes, ragaillardis par la gnole, et il faut bien l’avouer légèrement pompettes ; il en fut parmi eux de plus sensés, le cerveau pas encore trop embrumé, pour convenir qu’il serait quand même plus prudent d’amener la fameuse barrique en lieu sûr. On alla aussitôt quérir une carriole attelée par deux bougres, Papillon et Cabaret !
C’est une bien étrange procession, passablement cahotante et émoustillée, qui entra dans le bourg de Brétignolles encore désert à cette heure matinale. On s’arrêta devant la maison de chez Léon et la barrique fut derechef déchargée dans la cour.
Dans un premier temps, on décida, par précaution, d’introduire un bâton en osier par l’orifice de la bonde afin de juger de la quantité de liquide restant et c’est Léon qui s’y colla sous l’œil allumé – bien qu’aviné – de ses compères. Sous le bâton Léon sentit bizarrement quelque chose de mou, mais lorsqu’il ressortit la jauge, quelle ne fut pas sa surprise et celles de ses acolytes d’y trouver collés……. des poils… oui des poils !
Interloqués, les hommes convinrent d’un commun accord qu’il fallait pousser plus loin la recherche, on défonça sans tarder une extrémité de la barrique…. et là….. gloups ! beurk ! horreur ! nos gaillards découvrirent horrifiés, d’abord les mains, puis le corps d’un singe. Oui ! d’un singe !
La réaction ne se fit pas attendre, les hommes, vite dégrisés, furent pris pour la plupart de nausées à l’idée d’avoir avalé une eau de vie au contact de l’animal et s’échappèrent dans la cour pour aller dégobiller ! Ils filèrent ensuite se rincer la goule au café du coin, avec un liquide plus approprié, il fallait bien ça !
Nom de D…, qu’il est vilain » se serait exclamé, écoeuré, le père Maurice !
« O lé t’un singe » !
« Non, o l’a des tétés, o l’é t’une fumelle » !
L’affaire fit grand bruit à l’époque, la presse locale s’en empara bien évidemment, ce n’était pas tous les jours « qu’o l’arrivait do z’affaires d’même ! » … en déformant parfois les faits… « un orang-outang en tonneau » ! Un rocher a même été baptisé « le rocher de l’orang-outang » dans la petite commune voisine de Saint-Martin-de-Brem (aujourd’hui Brem-sur-Mer), qui pourtant ne possède pas de plage !
C’est là que l’histoire vire au drame de Clochemerle : si le singe a bel et bien été trouvé sur une plage de Brétignolles, il fut aussitôt vendu aux enchères, pour la somme de 40 francs ! à un Monsieur Boutain, commerçant en faïenceries à Saint-Gilles-Croix-de-Vie et inventeur des fameux bols avec les prénoms. Il fit éditer une série de cartes postales, toutes plus loufoques les unes que les autres, et qui lui rapportèrent un grand succès.
Hélas pour les brétignollais, le singe ne leur appartenait désormais plus, leurs nombreuses revendications et démarches pour le récupérer demeurèrent vaines, la mairie de Saint-Gilles ayant décidé que ce singe leur appartenait de droit, à la mort de Monsieur Boutain.
Cette histoire n’est pas une légende, et vous pouvez encore admirer le singe à la maison du Pêcheur de Croix-de-Vie, et d’ailleurs, cette année la commune a décidé de le fêter et commémorer sa découverte, il y a maintenant 100 ans. Nous sommes dans l’année du singe !
Il ne faut pas vous étonner si, depuis lors, les gens de Saint-Gilles-Croix-de-Vie sont appelés – à tort – les buveurs d’eau de vie de singe ! Ce sobriquet devrait plutôt être revendiqué par les Brétignollais qui en méritent largement l’attribution.
Source : « Un singe venue de la mer », découverte d’épaves sur la page, Roland Mornet
Allez, pour vous raffraîchir et vous remercier d’avoir pris le temps de lire mon histoire de singe dans la barrique, je vous ai préparé un petit cocktail tendance locale, à base de Trousseminette (fabriquée à Brem-sur-Mer avec de l’eau de vie et du blanc de Brem) et mâtinée de rhum pour rappeler notre ami le signe natif certainement des Antilles et déversé sur la côté brétignollaise à la suite d’un naufrage.
Remplissez le shaker de glaçons, versez les alcools et le jus de fruits, fermez puis agitez fortement.
Servez dans un verre haut avec une demi-rondelle de citron et 2 clous de girofle.
… et consommez avec modération, selon la formule consacrée !
INFO
Vous trouverez la trousseminette blanche (à base de coing et d’eau de vie) chez Patrick Grenson à Brétignolles-sur-Mer.
a ta santé !!!!!
Merci Poucinette, tchin à toi aussi -:))Promis, ce cocktail-là ne vous provoquera pas des nausées !
trinquons à ta santé !
Bises, à bientôt
J'aime bien l'histoire. Bon aapéro à midi…. Bises.
C'est une histoire qu'on raconte aussi sur ma côte finistèrienne, moins complète, car ici nul ne dit ce qu'il est advenu du singe !
Un cocktail merveilleusement épicé! Mmmhhh, il me plaît beaucoup.
Bises,
Rosa