Le Hareng et sa petite histoire

On lui prête de nombreuses casquettes.

Môssieur arbore la couronne de prince des poissons quand il se déplace en grands bancs avec sa cour, dans les eaux froides de l’Atlantique, de la Baltique, en mers du Nord, de Norvège, du Pacifique ou de la Tamise.

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En d’autres lieux, notre gaillard barbote dans des eaux plus troubles et s’acoquine avec quelques viles  barbillons pour endosser la veste moins reluisante, mais très lucrative, du maquereau de ces dames.

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Devenu un tantinet saur – par conséquent raide comme la justice, le taulier s’achète une conscience et revêt dès lors l’habit de grippe-coquin.$_35En gros, le hareng sait depuis la nuit des temps retourner sa veste d’écailles et s’attirer dans tous les cas la sympathie, qu’il soit saur – hareng salé et fumé ;  pec – hareng en caque (tonneau) fraîchement salé ;  guai – hareng qui a frayé et n’a plus ni œufs ni laitance ; bouffi comme le craquelot – hareng moins salé que le saur ; franc quand il est immature ; en kippers (hareng ouvert et aplati) ou en rollmops (hareng mariné et enroulé).

LE HARENG DANS L'HISTOIRE

La pêche du hareng – hâring en germanique – est apparue peu après le cataclysme des invasions barbares – du IIIème au VIème siècle, mais a connu un véritable essor au Moyen Age.

Il fut même béatifié à Boulogne-sur-Mer, en bord de Manche, sous le nom de Sainct Harenc et comparé à Saint Laurent à cause des bienfaits inépuisables que valait aux humains le perpétuel martyre de son espèce.

A cette époque, sa pêche était prolifique et la consommation abondante, aussi bien sur les tables pauvres ou riches. Bien des famines furent évitées grâce à lui.

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Au XVIIIème siècle, les harengs devinrent une monnaie d’échange. Les barriques de vins se réglaient ainsi, on recevait des rentes ou des dots en caques de harengs.

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Le mercredi saint, les chanoines de la cathédrale de Reims faisaient procession, sur deux files, jusqu’à l’église Saint-Rémi ; chacun d’eux traînait un hareng derrière lui. Le jeu pieux consistait à marcher sur le hareng qui précédait en évitant que l’on marche sur le sien. L’article de la France Pittoresque vous conte cette pratique étonnante ICI.

Procession des harengs

En Russie, les condamnés à partir en Sibérie étaient privés de boisson et n’avaient pour toute nourriture que les harengs fumés, un supplice infernal. On les a surnommés les harengs perfides.

En France, qui se souvient de la journée – ou bataille –  des harengs ? On n’en parle pas dans les livres d’histoire ! C’était en 1429, le 12 février, à proximité d’Orléans alors assiégé par les Anglais. Les Français parvinrent à couper la route des charriots de harengs destinés à être consommés par les envahisseurs durant le carême et, au terme d’une bataille célèbre, libérèrent la ville.

La bataille des harengs

LE HARENG ET L'ART

Des peintres lui ont consacré des huiles.

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Comme cette étonnante et très épurée nature morte aux harengs de Chaïm Soutine, en 1916,

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ou les marchands de poissons de Joachim Beuckelaer, une peinture du XVIème siècle.
m072904_0014014_pTout comme ce déjeuner de hareng, une autre nature morte de ES Jacob Fopsen Van du XVIIème siècle que j’aime énormément.

Un peu plus près de nous, on retrouve ces amusantes cartes postales illustrées, répertoriées par le site delcampe.net
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Et cette dernière, dont je n’ai pas l’origine.

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LE HARENG DANS LA CHANSON OU LA POESIE

Charles Cros l’a immortalisé dans un poème que beaucoup d’enfants ont tenté d’apprendre par cœur.

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Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec…

Et récemment, la chanson du personnage imaginé par l’iconoclaste chanteur Philippe Katerine, le général Fifrelin lui a rendu un hommage particulier :

Nom de dieu !
Donnez-moi mon hareng
Et mon litron de blanc
De mon temps
C’était une bonne maison

j’étais servi de rang
Cré non de non ! ! !
Est-ce qu’on doit être obligé
De gueuler pour pouvoir bouffer !
Donnez-moi mon hareng
Ou ce sera un bain de sang

LE HARENG AIME LES BONS MOTS

Je sortirai du camp,

Mais quel que soit mon sort,

J’aurai montré du moins,

Comme un vieillard en sort (comme un vieil hareng saur).

Le camp des Croisés, 1838 – Adolphe Dumas

Adolphe Dumas est un poète dramaturge du XIXème siècle, qui n’avait aucun lien de parenté avec Alexandre Dumas. Il aurait, selon la légende, fait cet excellent jeu de mot tout à faire involontairement. En tout cas c’est réussi, puisqu’on a même souvent attribué, par erreur, cette phrase à Alexandre Dumas et à Victor Hugo.

A noter, d’ailleurs, que ce type de calembour, qualifié d’involontaire, s’appelle un kakemphaton comme le très célèbre vers de Corneille dans Polyeucte :

Et le désir s’accroît quand l’effet se recule (Elle désire sa croix quand les fesses se reculent).

René de Obaldia, le romancier et poète français contemporain, amoureux des mots, a lui aussi évoqué le hareng dans son poème dédié à Tom Sawyer :

Tom Sawyer
Sans en avoir l’air
A parcouru tout l’univers.

Il a fait pipi
Dans le Mississippi.

Sur les bords du Saint-Laurent
il haranguait les harengs…

Et je terminerai avec un conte, l’histoire des deux auvergnats et du hareng saur, dont je vous livre le PDF, ce qui vous permettra de zoomer pour mieux le lire (ICI).

LE HARENG DANS L'ASSIETTE

Pour les recettes, je vous invite à les découvrir sur mon blog.

Une salade de harengs marinés au pommes (ICI), une cassolette de kippers en brandade (ICI) et un salmigondis de pirate, une recette faite sur le ton humoristique pour des amis blogueurs ().

Salade de harengs aux deux pommes

Voilà, vous savez tout, tout ou presque tout sur le hareng. J’espère que vous avez aimé, le saur en est jeté !

Le filet de hareng fait plus hareng que la côte de porc qui fait pas porc du tout !

(Brève de comptoir, Jean-Marie Gourio)

Vous marinez chez vos harengs ?

… allez je m’arrête, vous allez avoir une indigestion de hareng !

11 Responses

  1. Frédérique dit :

    Wahouuuuu, encore une superbe recette-histoire….
    Et MÔA le Hareng je lui fais un sort, surtout avec pommes à l’huile…Ma folie….
    Môman, elle c’est « le gendarme »…moi pas, j’aime pas la viande et poisson fumés (sauf le saumon).

    • mariefrance.thiery dit :

      Merci ma Frédé. Je te souhaite un bon dimanche et merci d’être passée par là, tu es toujours la bienvenue.

  2. anny dit :

    nous avions l’ habitude d’ aller tous les ans
    manger des harengs grillés à la foire SAINT MARTIN de PONTOISE
    et boire un verre de GINGLET piquette locale
    PONTOISE passage pour les harengs arrivant de BOULOGNE SUR MER vers la capitale
    ils étaient mangés là ,leur fraicheur étant mise à rude épreuve ils ne pouvaient aller plus loin
    merci pour ces histoires autour d’ un bon plat
    bises ANNY

  3. Jean-Michel 71 dit :

    Bonsoir,

    Il est encore temps pour ne pas faillir à la tradition des Vœux du Nouvel An.
    Je vous souhaite le meilleur dans toutes vos vies, personnelle, familiale, professionnelle, culinaire, littéraire…

    Et ainsi donc, en cette soirée de dimanche, j’aurai beaucoup appris sur le hareng.
    Mais que ne mentionnez-vous les hautes qualités du hareng utilisé, déjà au XVIème siècle, comme base de parfum.
    Et oui, notre bon Roi Henri IV portait des colliers de harengs pour masquer son « fumet de crasse ».
    Sa chère et tendre épouse, Marie de Médicis, si elle ne souffrait pas de sinusite chronique, devait le sentir venir !!!

    Par ailleurs, le hareng de ce temps là devait avoir des vertus aphrodisiaques… Notre Vert Galant n’a-t-il pas eu six enfants avec son épouse et une bonne douzaine avec ses nombreuses maîtresses… Probablement qu’elles en étaient toutes chavirées… de hauts le cœur !

    L’année commence bien… Vivement le Carnaval de Dunkerque et son lancer de harengs.

    Cordialement,
    Jean-Michel 71

    • mariefrance.thiery dit :

      Merci Jean-Michel de ces bons vœux que je vous retourne en vous souhaitant à mon tour une belle et agréable année auprès de vos proches.
      Ah ! Ce hareng, il est une source inépuisable d’histoires. Merci à vous de nous apprendre cette anecdote incroyable concernant le bon roi Henri IV. Il est vrai qu’en ce temps-là, la crasse et les mauvaises odeurs faisaient partie du quotidien, même à la cour du roi. Il suffit de lire Le Parfum de Patrick Süskind quand il décrit le Paris du XVIIIème siècle avec ses odeurs nauséabondes.
      Merci de votre visite et bonne semaine,
      Marie-France

  4. carolinne cerise dit :

    Merci pour ce joli documentaire et ces anciennes photos qui nous rappellent de bons souvenirs!j’aime beaucoup l’hareng fumé!

    • mariefrance.thiery dit :

      Bonjour ma chère Carolinne, je suis contente que ça te plaise, mais maintenant que je te connais mieux, je ne suis pas surprise 😉
      Je t’embrase très fort.

  5. Elisabeth Pavageau dit :

    Historienne, Tu vas faire Historienne ! Merci Marie

    • mariefrance.thiery dit :

      Merci ma chère Elisabeth <3
      Tu sais que j'ai pris un énorme plaisir à écrire ce billet, et je réitèrerai sur d'autres thèmes, parce que c'est très intéressant pour moi aussi, ça m'oblige à faire des recherches. Belle journée à toi sur ta jolie île qui doit commencer à sentir bon le mimosa.

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