Fraise de veau en salade à la vinaigrette
Depuis 15 ans, la fraise de veau était en punition, mise au ban des produits tripiers par l’Organisation mondiale de la santé animale (l’O.I.E.), avec le bonnet « risque d’ESB – crise de la vache folle », au motif que le prion – cette fameuse protéine responsable de maladies infectieuses – pouvait se loger dans les muscles blancs.
La Commission Européenne vient enfin de la réhabiliter, reconnaissant à la France et quelques autres pays de la Communauté le statut de pays à risque négligeable. Et ce n’est pas trop tôt, car la fraise était le seul abat encore prohibé, le ris de veau étant déjà revenu depuis longtemps sur les étals. La cervelle, quant à elle, n’avait jamais été interdite.
Qu’est-ce que la fraise de veau ?
Un abat blanc, au même titre que le ris, la tête ou les pieds de veau. Il s’agit de la membrane qui entoure l’intestin grêle de l’animal. Sa forme déroulée, comme la collerette qui entourait le cou des hommes, nobles et bourgeois aux XVème et XVIème siècles, et encore au XVIIème en Espagne, lui a emprunté son nom de fraise. Ne cherchez donc pas de rapport avec le fruit rouge.
La fraise de veau, c’est un plat qui me fait remonter en enfance. Il était sur la table familiale très souvent car mon père l’adorait. Sa forme, son apparence grassouillette me révulsait, je n’ai jamais pu en manger à cette époque. Bizarrement, alors que chez mes parents il était hors de question de dire « je n’aime pas » sans y avoir goûté, je n’ai pas le souvenir d’avoir justement tenté l’expérience.
Avec l’âge, les habitudes changent. Et ça faisait fort longtemps que je voulais enfin goûter ce plat pour m’en faire une idée, vu que les années passant, j’étais devenue grande amatrice d’abats.
Alors forcément, quand j’en ai vu sur l’étal de mon boucher, je n’ai pas hésité une seconde.
Pour cette première recette, je suis restée dans la simplicité, le plat bistro par excellence avec sa petite vinaigrette aux échalotes. Dans la version traditionnelle, la fraise se sert encore chaude, en sortant de son bouillon ; là je l’ai servie froide, en salade, avec des œufs durs.
En ce qui concerne la préparation et la cuisson, j’avais regardé sur le Guide Escoffier qui indiquait un mode opératoire identique à la tête de veau. J’ai aussi consulté un ami sur les réseaux, Bernard Pichetto du site Toil’d’épices, ancien cuisinier, producteur de vinaigres « La vinaigrerie des quatre voleurs » et passionné d’épices qui m’a confirmé l’info et conseillé de faire un court-bouillon acide avec farine, eau, sel et vinaigre pour lui conserver sa couleur blanche.
Je me suis rappelée qu’il me restait un bocal de fond blanc de volailles et finalement c’est lui qui m’a servi pour la réalisation de la recette, m’évitant ainsi de préparer un nouveau court-bouillon.
INGREDIENTS (pour 2 personnes)
- 500 g de fraise de veau
- 1 litre de fond blanc de volaille
- 1 oignon
- une dizaine de grains de poivre noir
- quelques feuilles de laurier
- gros sel
- 1 cuillère à soupe de farine
- 2 cuillères à soupe de vinaigre de vin blanc
- le jus d’un citron
Pour la vinaigrette
- persil
- 1 échalote
- huile de noisette
- vinaigre de vin blanc
- fleur de sel
- poivre rouge (phu quoc)
- moutarde forte (pour moi une moutarde de genièvre très parfumée)
- 4 œufs
- Facultatif : si vous avez des câpres, ce sera très bien d’en ajouter
LA RECETTE
1/ Faire dégorger
Mettre la fraise de veau dans un gros saladier et recouvrir d’eau froide. Laisser dégorger à température ambiante pendant 1 heure pour éliminer toutes les impuretés. Ensuite, égoutter et gratter au couteau pour retirer éventuellement les gros amas de graisse encore incrustés.
2/ Faire blanchir
Mettre la fraise de veau dans une casserole. Recouvrir d’eau froide avec une poignée de gros sel et porter à ébullition. Maintenir sur feu moyen pendant 15 minutes. Ensuite égoutter et refroidir aussitôt dans un saladier empli d’eau froide. Egoutter à nouveau. Détailler en petits morceaux et réserver.
3/ Cuisson
A cette étape, soit vous préparez un court-bouillon avec différents légumes aromatiques (carottes, céleri…), oignon, bouquet garni, clous de girofle et poivres et un mélange ; soit vous avez comme moi un fonds blanc qui vous servira pour la cuisson.
Disposer les morceaux de fraise de veau dans la cocotte. Recouvrir du fonds blanc. Dans un petit bol, mélanger la farine, le vinaigre, le jus de citron et un petit peu d’eau pour avoir une préparation homogène. Verser dans la cocotte, mélanger. Ajouter quelques feuilles de laurier, un oignon, quelques grains de poivre noir et laisser mijoter sur feu très doux pendant 2 heures.
Au terme de la cuisson, retirer les morceaux de fraise avec une écumoire. Bien les égoutter et laisser refroidir.
4/ Les œufs
Mettre les œufs dans une casserole, recouvrir d’eau froide et porter à ébullition. Laisser cuire 6 minutes après les premiers frémissements en maintenant une ébullition moyenne. Je préfère pour cette recette que le jaune d’œuf ne soit pas totalement dur. Après cuisson, laisser refroidir dans de l’eau froid. Ecaler, réserver.
4/ La vinaigrette
Dans un bol, mettre la moutarde et mélanger avec le vinaigre, puis ajouter l’huile. Saler avec la fleur de sel, poivre (poivre rouge Phu Quoc).
Ciseler l’échalote et le persil.
Si vous avez quelques câpres (ce que je n’avais pas dans mon réfrigérateur), vous pouvez en ajouter. J’aime bien l’acidité qu’elles amènent.
5/ La présentation
Répartir la fraise refroidie dans l’assiette. Disposer les quartiers d’œufs. Répartir le persil et l’échalote. Arroser de vinaigrette.
VERDICT
J’ai adoré ! Mais pourquoi ai-je attendu si longtemps pour y goûter. Vraiment très fin, pas gras du tout. C’est vraiment trop bon, comme disent les enfants ! J’aurais dû m’en douter, remarquez, vu que je raffole de l’andouillette et que la fraise de veau entre dans sa composition (enfin entre maintenant qu’elle est réhabilitée ; c’était déjà le cas avant la crise de la vache folle).
A LA CAVE
J’ai accompagné ce plat d’un excellent Pinot blanc de chez Xavier Shoepfer, découvert ce week-end au salon gourmand de Saint-Gilles-Croix-de-Vie.
Je ne m’en cache pas, je suis fan des vins d’Alsace. J’aime leur parfum inimitable, et je les apprécie aussi bien à l’apéritif qu’en accompagnement de certains plats. J’ai goûté aussi leur cuvée vieilles vignes qui est une merveille. Mais sur ce plat, je préférais un vin un peu plus sec, avec malgré tout un peu de rondeur.
Xavier Schoepfer est un professionnel d’une grande courtoisie, passionné par son métier. J’ai vraiment aimé cette découverte et je le recommande vivement, car ses prix sont plus que raisonnables (un peu plus de 5 euros pour ce Pinot) dans ce monde viticole où parfois le prix des vins flambe sans raison toujours valable.
EARL Xavier Schoepfer
Wintzenheim (68)
Si un jour tu as l’occasion d’être sur Limoges le 3eme vendredi d’octobre je te conseille la frairie des Petits Ventres , produits tripiers à l’honneur , tu me fais saliver avec ta fraise de veau , enfant ma grand mère en préparait , tiède avec la vinaigrette bien relevée c’est un pur délice <3 , il faut vraiment que je pense à en commander à mon boucher
C’est noté Hélène, on ne sait jamais, et on peut provoquer l’occasion !
Les abats, injustement méprisés, hormis le fait qu’ils sont bons pour la santé, sont une source infinie de recettes, limitée par l’imagination du cuisinier !
Merci pour la citation !
Entièrement d’accord pour le vin de chez xavier schoepfer qui produit d’excellents vins. Nous sommes clients depuis de nombreuses années et la relève est assurée. Merci à eux.
Avec Plaisir Marie-Claude, contente de trouver d’autres amateurs.
Lorsque j’étais enfant dans les années 50, la fraise de veau était un plat que ma mère nous préparait régulièrement. Elle la préparait à peu près comme vous mais la servait tiède accompagnée de pommes de terres vapeur et sans œufs durs. Et nous adorions ça. Je pense que pour beaucoup de personnes de cette génération, c’est un peu comme notre madeleine de Proust. Depuis quelques années, j’avais très envie d’en manger à nouveau mais hélas, introuvable. Et puis ce matin, en faisant des courses au magasin Super U de Beauvoir-sur-mer, je suis tombé dessus complètement par hasard. Je ne savais pas qu’elle était à nouveau autorisée à la vente. J’en ai acheté une barquette que je vais préparer en suivant votre recette, ma mère nous ayant quittés en 2009 ne pouvant plus me donner la sienne.
Cependant, je dois avouer que j’ai un peu été surpris par le prix (16,95 € le kilo) car dans ma mémoire, mais peut être me trompé-je, c’était à l’époque un « plat de pauvre ».
Bonjour Yvon, certes elle me paraît bien onéreuse cette fraise de veau, il ne me semble pas l’avoir payée aussi chère à Soullans. Il faudra que je vérifie la prochaine fois, car vous avez raison, c’était à l’origine un plat très économique. La fraise est autorisée depuis peu, c’est pour ça que l’on commence enfin à la retrouver sur les étals. Papa la mangeait aussi tiède, en vinaigrette. J’ai voulu changer mais j’essaierai une prochaine fois de le refaire selon la version ancienne. Je vous souhaite de retrouve la saveur de votre enfance et vous souhaite aussi de belles fêtes de Noël.
Ah super merci !!! J’adore sa !!! Sur Rouen le charcutier/traiteur sur Rouen en a toujours fait malgré les interdiction ( à 15 € le kilo, mais prêt à manger) . Maintenant aillant changer de région impossible d’en trouvée jusqu’à cette semaine à 8€ le kilo, cher leclerc !!! actuellement elle arrive au terme de cuisson. Vivement ce soir pour la déguster !!! Merci pour votre recette
Génial ! Je suis contente que ça vous plaise, et je le serai encore plus si vous les appréciez. Votre charcutier rouennais était un résistant, j’adore ! Et finalement, il y avait beaucoup d’hypocrisie parce que ça devait bien se savoir, et il n’a jamais été pénalisé, ce qui est très bien.
Bonne dégustation de la fraise et au plaisir de vous revoir.
bravo,
j en prépare demain! je vais les prendre chez mon tripier a Nice. mais je les préparerai avec une sauce poulette et des papardelles maison.
Merci Cyrille, je redécouvre le plaisir de déguster les produits tripiers. Hum! une petite sauce poulette, voilà qui me semble de bon aloi avec nos tripes 😉
merci marie-France,
autre idée, après les avoir cuites, flamber la fraise de veau au cognac, puis la faire gratiner avec de la crème, de la moutarde pommery au cognac, bien poivré, et recouvrir de comte entre deux ou beaufort. salut les gourmands, merci jolie marie France!!! a bientôt
Merci Cyrille pour cette belle idée. Un gratin de fraise de veau, ça c’est à essayer ! Je vous en dirai des nouvelles.
Bon week-end.
9€90/kg chez grand frais Nevers..un délice!!!
Surtout ne pas dire à vos convives que ce sont des instestins car ils sont écoeurés à l’idée ; les gens n’aiment les abats à cause de ces idées idiotes. Pour ma part j’adore les abats, mais il faut comme le gibier et les poissons savoir bien les cuisiner.
a vos fourneaux…
Avec beaucoup de retard sur la date de votre recette, je suis tombé dessus par hasard, mais rien que les photos de votre commentaire j’en ai l’eau à la bouche, merci Madame, cordialement
Merci à vous, Edmond, pour votre intérêt, je suis ravie que cette recette vous plaise. Il ne vous reste plus qu’à l’essayer. Bonne fin de week-end à vous.
Merci pour cette recette. Une autre façon d’apprécier la fraise de veau, une fois cuite et coupée en petits morceaux, est de la passer au four nappée d’un mélange moutarde et crème fraîche, ou de la servir dans une soupe de châtaignes bien épaisse.
Merci beaucoup Laurent. Je conserve l’idée – ou plutôt les deux idées qui me séduisent l’une comme l’autre et je vous dirai ce que j’en ai pensé quand je les aurai testées.
Une éternité que je n’avais pas mangé de fraise de veau. Cela me rappelle mon enfance et les repas familiaux avec mes frères et sœurs. Mmmmm un régal.
C’était pareil pour moi, Francky. Je n’en avais pas mangé depuis mon enfance. Passez de belles fêtes de Noël.
j’ai acheté la semaine derniére à Auchan avallon89…de la fraisede veau.sur l’étiquette du produit,juste indiquer commande spéciale boucherie…trop heureuse d’en trouver…il aurait du indiquer fraise de veau ;pour ceux qui ne connaissent pas et trouver dans lerayon abats toutes sortes de recettes souvent les gens ne savent pas trop comment les cuisiner…heureusement mon tripier lorsque je résidais à Vitry/seine dans le 94,m’avait offert 1 petit livretqui s’intitulait le tripier de vos marchés par la triperie neveux,édité par la confédération nationale de la triperie française 75001paris…en 1976…je le conserve précieusement et des amis en ont eu des copies….
Bonjour Yveline, il doit être bien intéressant ce petit livret, car il n’est pas facile de trouver des recettes de produits tripiers. Et pourtant quel régal ! Je vous souhaite de passer de belles fêtes.
Bonjour, j’en ai fait ce midi à mon mari et un pur régal des papilles avec un pineau gris
Youpi ! Je suis contente que vous ayez pu la refaire et que vous l’ayez appréciée. Merci beaucoup pour votre retour qui me fait très plaisir. Bonne journée à vous.