Les galettes de pomme de terre de Maimaine
1960… Il avait cinq ans lorsque ses parents ont quitté le bocage vendéen. Un âge où les parents ne demandent pas leur avis aux enfants. Ils ont posé leurs valises dans le Limousin, un déracinement total pour ce gamin lorsqu’il a découvert la grise cité minière de Sagnat.
Le grand-père maternel avait fait le voyage pour aider au déménagement. Il s’est empressé d’aller acheter du pain au village, pour la grâlée de mogettes du soir, cette grâlée d’mougettes qui leur maintenait encore un petit bout de pied au pays. Mais il est revenu en colère :
ô y a pas d’bure sala dans tiot’ pays, qué tô qué tche ? Et r’gard’ me dont c’pi! ô lé tot tordu, ô lé pas cuit, i faut porter plainte!
Eh ! oui, dans le Limousin de ces années-là, il n’y avait pas de beurre salé dans les commerces, et en règle générale, on ne faisait pas la cuisine au beurre.
Quant au pain tordu, il s’agissait tout simplement d’une spécialité de la Haute-Vienne dont Limoges est à l’origine, le pain tourné ; un pain façonné en torsades qui lui a donné son nom.
Depuis, le petit drôle a poussé, aussi vite que les graines d’orties et les fleurs de genêts qui lui chatouillaient les mollets dans les chemins creux de Vendée. Il a appris à aimer le Limousin, a découvert un autre langage : l’occitan limousin. Le dimanche, il allait pêcher les gardèches (les vairons) dans les rivières pour l’omelette du soir avec les cèpes, girolles des bois, ou bien les coulemelles et les rosés que les limousins dédaignaient car ils étaient supposés apporter la douve (la douve, c’était le vers dans le foie !). Sa maman ne les dédaignait pas, bien au contraire. Elle en faisait des pleines fricassées avec les vairons…
O l’était ben bon, assure-t-il, l’œil allumé, en se frottant le ventre.
C’est à Bessines-sur-Gartempe, au cours de son premier automne dans le Limousin, qu’il a découvert l’arbre à pain. Des souvenirs qui lui amènent l’émotion dans la voix, lorsqu’il évoque cet arbre hautement symbolique par l’importance qu’il avait dans la nourriture des habitants de certaines contrées : le châtaignier. Depuis, pas une saison sans qu’il n’aille ramasser les premières châtaignes. Les années ont passé, sa femme, et maintenant sa grande fille ont appris à les cuisiner merveilleusement.
Mais il n’a pas délaissé pour autant les gourmandises de sa petite enfance vendéenne. Pour preuve la galette de pommes de terre de Maimaine, plat de restes comme savaient en faire en d’autres temps nos mamans et grand-mères. Une galette faite de purée de pommes de terre et de tous les ingrédients de la réserve : lardons de goret’, fromage éventuellement, quelques brins de cive… mais surtout, ô surtout : do bure ! Du bon beurre salé. Ces galettes-là sont toutes simples, mais elles ont le goût et le parfum d’une enfance que l’on n’oublie jamais, et ça n’a pas de prix.
Ingrédients pour les galettes du dimanche soir de Maimaine
- Pommes de terre
- lardons
- fromage râpé
- quelques brins de cive
- 1 gousse d’ail
- beurre salé
- une petite poignée de gros sel
- sel fin – poivre
Préparation
Faire dorer les lardons à sec dans une poêle. Les réserver.
Faire cuire les pommes de terre en robe des champs dans l’eau avec le gros sel.
Les peler, les écraser en purée. Y mêler les lardons, le fromage râpé, l’ail haché, la cive ciselée et un bon gros morceau de beurre ! Bien mélanger intimement et en façonner des galettes d’épaisseur moyenne.
Rectifier l’assaisonnement.
Faire chauffer une poêle. Y mettre à fondre un peu de beurre et laisser dorer les galettes sur feu doux 5 minutes de chaque côté.
Servez en accompagnement de côtes de porc poêlées et déglacées au vinaigre.
Note
Vous pouvez, si vous préférez avoir une préparation plus liée et pour assurer une meilleure tenue à la cuisson, ajouter un œuf dans la purée avant de façonner les galettes.
Les salons du livre, où je suis en dédicaces de mes ouvrages, me font faire de plus en plus de rencontres formidables, je remercie infiniment Didier de m’avoir confié ses souvenirs d’enfance et la recette de la galette de Maimaine, lors du salon de Beynat en Corrèze, en avril dernier. Et j’espère bien que nous nous reverrons sur d’autres salons.
J’ADORE tes histoires avec recette….Il y avait longtemps que tu n’en avais pas écrit…et celle là je vais la faire…
C’est vrai ma Frédé, ça faisait longtemps qu’elle attendait dans mes cahier, depuis le salon de Beynat en avril dernier en fait !
C’est le genre de galette que tu peux améliorer avec tout ce que tu as sous la main. Tu peux y mettre aussi de la crème fraîche, ce sera juste un peu plus calorique !
Plutôt sympa ces galettes de pomme de terre…
Oui, très sympa 😉 Je me suis régalée.
Super histoire ! et oui, les galettes de pommes de terre…qui n’en a pas mangé! Serge se rappelle celle de sa grand-mère Léa et impossible de lui faire retrouver le goût de son enfance …un secret que grand-mère Léa a emmené avec elle ? Alors je suis dans la recherche de la galette de pomme de terre perdue 😀 et merci pour cette histoire au détour de tes salons !bises
Merci Martine, c’est gentil.
Tu as raison, je pense que nous avons tous des souvenirs de recettes « authentiques » par les souvenirs qu’elles drainent en nous. C’est ce qui fait tout leur charme, l’impression que ce ne sera jamais aussi bon que chez la grand-mère. Même les grands cuisiniers ressentent la même chose.
Bises à toi aussi.
Je reconnais bien là tout le paradoxe féminin, cristallisé par ces deux extraits des commentaires :
«…impossible de lui faire retrouver le goût de son enfance …un secret que grand-mère Léa a emmené avec elle ?…
…Tu peux y mettre aussi de la crème fraîche, ce sera juste un peu plus calorique !…»
Tout y est dit. Alors, ajoutons une bonne cuillère de crème et mangeons ces galettes de bon appétit, sans arrière pensée. Ne laissons pas la dictature de l’apparence l’emporter sur notre plaisir. Il est là le secret de toutes les grand-mères et leurs recettes aux saveurs incomparables.
Jacques Faizant avait bien raison quand il fait dire à l’une de ses vieilles dames :
« Ce n’est pas de manger des gâteaux qui fait grossir, c’est le remords qu’on en a après »
Bon appétit !
Jean-Michel 71
Ah ! Mais les femmes sont pleines d’ambiguïté ! Vous avez tout à fait raison, Jean-Michel. C’est finalement ce qui fait que les recettes de nos grand-mères sont les meilleures, elles ne se préoccupaient pas de ces faux-problèmes. D’autant qu’à cette période il n’y avait pas tous les produits que nous avons maintenant. Mettre de la crème fraîche ou du beurre relevait d’un acte de générosité et de richesse énormes.
Tiens, vous citez cette phrase de Jacques Faisant, savez-vous que j’ai une assiette qui la présente. Je l’avais prise en photo pour un de mes articles, il faudrait que je la retrouve. Sinon, j’en referai une photo que je publierai dans un article prochain.
Bonne fin de journée,