Miscellanées de confinement
La cuillerée pour papa reposait dans son tiroir, endormie au milieu des petits petits objets du quotidien qu’il faut remuer parfois pour qu’il se rappellent à notre mémoire. L’envie de lui faire vivre d’autres aventures gourmandes s’en était allée, la popote avait mué, la cuisinière vaquait à d’autres occupations chronophages et ne parvenait plus à maîtriser les petits grains de sable qui s’écoulaient inexorablement dans le sablier du temps.
La grande roue de la vie, elle, ne nous oublie pas. Elle nous donne le tournis, jusqu’à la nausée lorsqu’elle va trop vite, et puis un jour elle stoppe son mouvement. A un moment où l’on ne s’y attendait pas. Et pourtant, il y a eu des signes avant-coureurs qui ne trompaient pas. Si on avait été plus vigilants, son mécanisme corrodé et ses convulsions de plus en plus régulières auraient dû nous alerter.
Où sommes-nous dans cette grande roue désormais au repos ? Tout en haut, avec le vide sous nos yeux qui nous donne le vertige ? En bas, à deux pas de la terre ferme si rassurante, qui ne demande qu’à nous accueillir si on la respecte ?
Presque deux semaines que le temps s’est arrêté, obligeant le monde à se confiner. Qu’il est laid ce mot, vous ne trouvez pas ? Confiné, confinement, définitivement ce n’est pas beau, parce que cela renvoie à la notion d’enfermement. Pourtant,à bien y réfléchir, et si cet enfermement ne se révélait pas plutôt une ouverture ? Une occasion inespérée de mettre doucement le pied à terre, sous réserve d’en saisir l’opportunité, pour enfin – luxe suprême – se retrouver face à soi-même ?
Ce confinement, qui au départ m’a troublé comme beaucoup d’entre nous, m’a finalement paru un cadeau que m’offrait la vie. Ne voyez pas de cynisme dans ces propos. J’ai conscience qu’au-dehors le monde n’est pas beau, le mal est là, cette « peste » dont parlait déjà Camus dans son roman il y a fort longtemps.
Oui, je maintiens que c’est un cadeau car je suis parvenue à me poser dans mon petit cocon douillet. Il n’est pas bien grand, mais il est chaleureux et rassurant. J’ai ressorti des tas de livres que je n’avais pas pris le temps d’ouvrir depuis des années que j’en achète régulièrement sur les salons, j’écoute de la musique, je communique régulièrement avec des amis que je délaissais un peu, je prends le temps de nombreuses réflexions, et pour terminer, j’ouvre mes placards. J’ai enfin sorti de son tiroir où elle se confinait, ma cuillère pour papa – ce papa à qui je dis bonjour, tout là-haut dans les cieux, car je sais qu’il continue à guider mes pas.
Et je retrouve l’envie et le goût de cuisiner, j’apprends et je réapprends certains gestes, notamment ceux de nos mamans et grands-mamans qui déjà savaient qu’il ne faut pas gâcher ce que la nature nous offre. Dans ma cuisine, j’ai recommencé à faire du pain en cocotte, avec de la levure de boulanger car je ne me suis pas encore initiée au levain qui me résiste depuis longtemps, mais ça ne va pas durer ! Maintenant j’ai le temps de lui faire la peau !
Avec les restes de pain rassis, j’ai fait un gâteau au rhum et aux raisins, une recette ancienne de grand-mère qu’une amie m’a donnée.
Je fais plein de petites barquettes de plats cuisinés et légumes que je congèle, je ne jette rien, réutilise tout ce qui peut l’être. Alors des idées, j’en ai et je reviendrai vous en donner si vous voulez.
A commencer par ma super-recette-super fastoche – de pain à la cocotte dont je vais vous donner la recette très vite, dans un prochain billet à venir.
Portez-vous bien, tous, et pardonnez-moi si depuis quelques mois je ne répondais plus aux messages des lecteurs. Maintenant que la grande roue s’est arrêtée, je vais prendre le temps, et quand elle va repartir, je ne la laisserai pas m’entraîner dans un tourbillon effréné.
Je vous embrasse virtuellement, de loin, mais avec le coeur.
Marie-France