Le crêmet d’Anjou, la recette traditionnelle

La douceur angevine est née au XVIème siècle sous la plume de Joaquim du Bellay qui l’exaltait dans un poème célèbre : …. Et plus que l’air marin, la douceur angevine… Si le poète a inventé l’expression qui a traversé les siècles sans prendre une ride, la formule est devenue de nos jours l’identité de la région.

A la quiétude des rives de la Loire répondent l’abondance de vignobles réputés, l’opulence d’un patrimoine prestigieux et la générosité d’une gastronomie renommée. Le crêmet d’Anjou est une de ces douceurs qui a bien failli chûter dans les oubliettes de quelque château des bords de Loire. Fort heureusement, une muse est passée par là et s’est mis en tête de le réhabiliter et l’inscrire dans le patrimoine régional : Sophie Reynouard, que beaucoup surnomment affectueusement Madame Crêmet.

Son livre : Le crêmet d’Anjou, trois cents ans d’histoire gourmande (auto-édition), en fait l’apologie de manière aussi poétique et élogieuse que ne l’a fait du Bellay pour vanter la douceur de son pays. C’est indéniablement un beau livre, pour lequel j’ai eu un véritable coup de cœur. Parce qu’il est vrai, sincère, que la passion du produit affleure au fil des pages.

Sophie Reynouard parle de ses rencontres, ses mots sont justes. Ce qu’elle aime, c’est la transmission, un devoir qu’elle a effectué de nombreuses années en tant qu’institutrice. Avec le temps, ses pas l’ont amenée vers d’autres voies. Entre autres une maison d’hôtes avec son mari, viticulteur. Et de là est née l’envie de cuisiner pour les gens de passage une authentique cuisine régionale. Il aura fallu que sa belle-maman ressorte d’une armoire un vieux moule à crêmet d’Anjou pour que naisse l’idée folle de ce projet. Une autre transmission l’attendait : celle d’une tradition culinaire que des documents font remonter jusqu’en 1702 et d’une recette oubliée, mise au point par une jeune cuisinière en 1890…

De la crème battue, des œufs montés en neige, un peu de sucre, on laisse égoutter et voilà le crêmet d’Anjou dans toute sa simplicité. Pas un fromage, mais plus qu’un laitage. Un petit dessert très mousseux vendu autrefois au coin des rues d’Angers par des marchandes ambulantes et autres crémiers.

Le livre est à l’image de son auteure : passionnant, généreux (270 pages). Parfois peut-être un peu fouilli, mais c’est qu’il y a tellement à dire, à transmettre : histoire, témoignages, photos, recettes.  Même les grands chefs se sont piqués au jeu quand Sophie a pris son bâton de pèlerin pour les convertir à son projet. Ils l’ont suivie sans hésiter dans l’aventure (comme Pascal Favre d’Anne à Angers ou Thibaut Ruggeri du Cloître Saint-Lazare à l’Abbaye de Fontevraud) et lui ont offert leurs plus belles variations autour du crêmet. Des recettes aussi bien salées que sucrées, très faciles à réaliser et qui d’un coup de baguette magique emplissent de douceur les assiettes. Sophie délivre elle-aussi ses recettes, et les dédie à sa famille, ses anciens élèves, ses amis…. On fait connaissance de la fine fleur gourmande de la régions : vignerons, producteurs, artisans du goût comme Stephan Perrotte, champion du monde de confitures en 2015. Bref, que du beau monde, que des gens vrais.

Forcément, j’ai eu envie d’essayer la recette de base de ce fameux crêmet d’Anjou. D’autant que je me suis procurée les petits moules à crêmet que Sophie Reynouard fait fabriquer auprès d’une potière locale.

Le crêmet d’Anjou, un plaisir gourmand beau et bon comme un coeur !

POUR DEUX CREMETS

  • 80 g de blancs d’œufs soit 2 blancs (mes œufs sont assez gros)
  • Crème fraîche liquide 35 % de MG : le double du poids des deux blancs soit 160 g
  • Sucre roux en poudre (ou sucre de canne liquide) : 10 g
  • 1/2 à 1 gousse de vanille
  • quelques grains de fleur de sel ou une pincée de sel fin
  • Ustensiles
  • 2 moules à crêmet
  • 2 morceaux de gaze non stérile à acheter en pharmacie (10 cm x 10 cm pour chaque gaze)
  • Film transparent

ETAPES

Versez la crème dans le bol du robot avec le sucre. Ouvrez la gousse de vanille et grattez avec un couteau pour en extraire les grains ; ajoutez-les à la crème.

Fouettez sur vitesse moyenne jusqu’à obtenir une préparation ferme qui arrive à la limite d’être du beurre. Stop ! Arrêtez-vous avant d’en faire ! Je craignais cette étape, mais en fait à l’œil on voit très vite quand la préparation devient granuleuse, qui est le signe qu’il faut cesser de fouetter.

Montez les blancs en neige très ferme avec le sel.

Incorporez les blancs à la crème délicatement (Et non pas la crème dans les blancs, c’est Sophie qui le dit, je répète !)

Le montage

Déposez la gaze dans le fond du moule à crêmet en la faisant déborder largement sur les côtés. Avec une cuillère, remplissez généreusement les moules de la préparation. Tassez. Refermez bien la gaze sur le dessus.

Déposez les moules dans un plat creux afin de laisser les crêmets s’égoutter à travers les petits trous du moule. Filmez entièrement et réservez au réfrigérateur jusqu’au lendemain (Il faut laisser s’égoutter au minimum 6 heures).

Le démoulage

Ouvrez la gaze ; tirez délicatement sur celle-ci pour décoller un peu le crêmet mais sans l’abîmer puis retournez sur l’assiette de présentation.

J’ai accompagné ces crêmets de cerises confites à l’amaretto – voir la recette ICI.

NOTES

  1. Pas question d’utiliser de la crème allégée ! Elle peut être liquide ou épaisse, à vous de voir. D’après Sophie Reynouard, la liquide est plus facile à travailler.
  2. Vous pouvez les préparer un ou deux jours à l’avance, mais il vaut mieux les démouler au dernier moment, car sinon ils risquent de s’affaisser. De même, démoulez directement sur l’assiette, sinon ce sera compliqué de transvaser sur une autre assiette sans faire de casse (je vous en parle par expérience !)
  3. Comme vous avez pu le voir sur les photos, les moules à crêmets disposent de petits trous qui permettent à l’eau de s’écouler. Si vous n’en avez pas, vous pouvez toujours demander à votre mari ou un ami bricoleur de faire quelques trous dans un moule en porcelaine à feu ou en terre !

INFOS PRATIQUES

  1. Le Crêmet d’Anjou, trois cents ans d’histoire gourmande par Sophie Reynouard – livre en vente dans les librairies du Maine-et-Loire.
  2. Association du Crêmet d’Anjou ICI.
  3. Commande du livre ou de moules à crêmets directement auprès de Sophie Reynouard : Sophie@manoirdelateterouge.com

LE MOT DE LA FIN

C’est un régal des dieux ! Nulle crème chantilly n’approche de ce petit mulon mousseux, parfumé, onctueux et léger.

Curnonsky, Prince des Gastronomes, 1921.

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4 Responses

  1. Sophie dit :

    Merci, Merci Merci !!! je suis très honorée de trouver un article sur le Crêmet d’Anjou et mon travail sur ce blog de connaisseuse passionnée.
    bisous et bravo ; c’est un de mes accords préférés… Vive l’Anjou et ses voisins !

    • mariefrance.thiery dit :

      Bonjour Sophie, c’est bien connu, on ne parle bien que de ce que l’on aime. Et là, c’est plus qu’aimer ! Ce petit crêmet a tout pour faire fureur dans ma cuisine.

  2. anny dit :

    un dessert tout en douceur …..
    je vais passer une commande à ancenis
    merci pour ta proposition
    bises à bientôt

    • mariefrance.thiery dit :

      Merci Anny, j’en suis ravie. Bises et belle semaine sous le soleil.

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