L’alise pacaude, la galette de Pâques
L’alise pacaude est avec le pâté de Pâques une autre des spécialités vendéennes, traditionnelle en cette période de fête religieuse. (Pour la recette, cliquez ICI)
Voici un joli texte qui nous évoque cette fête qui, pendant longtemps au XXe siècle, fut une fête religieuse tout aussi – si ce n’est plus – importante que celle de Noël :
Quand Pâques arrivait, c’était la fête religieuse et aussi la grande fête de la « galette pacaude » : brioche, gâche, fouasse, etc… En dehors des repas de mariage, on en mangeait seulement à Pâques.
Dès le Vendredi Saint au soir, dans toutes les chaumières, les ménagères s’affairaient aux levains, à la pâte qu’il fallait pétrir, étirer, repétrir longuement. Cette pâte mise à lever dans un – ou plusieurs – paillons, souvent à l’intérieur d’un lit ! Et oui, la chaleur des draps et le voisinage… facilitaient le travail du levain.
Le samedi, et lorsque la pâte était presque à point, on chauffait le four à pain. Les galettes étaient alors versées sur des plaques de tôle, puis enduites avec un jaune d’oeuf battu pour leur donner une belle croûte dorée.
Bien sûr, le four se devait d’être à point, ni trop chaud, ni trop tiède. Ce n’était pas toujours le cas. Dans toutes les fermes, il y avait toujours un four à pain, mais dans les bourgs, c’était plus compliqué ; de nombreuses maisons n’avaient même pas de cuisinière à charbon.
Dans un quartier du bourg, le boulanger, bien brave homme, chauffait son four le samedi matin exprès pour les ménagères des alentours. A dix heures, chaque Samedi Saint, le boulanger sortait dans la rue avec son cor de chasse, s’époumonnait et lançait quelques notes. C’était le bon moment et toutes ces braves femmes rappliquaient avec leur paillon sous leur bras ou dans la brouette à linge.
Malheureusement toutes les galettes ne levaient pas au même rythme. Quand certaines débordaient des paillons, d’autres n’avaient pas commencé à monter. Une heure plus tard, c’était le « moment de vérité ». Les vingt ménagères étaient là, attendant dans l’anxiété le moment d’ouvrir la gueule du four. Souvent il y avait des pleurs et des grincements de dents. D’autant plus que, le jour de Pâques, après les Vêpres, la tradition voulait qu’on s’invite les uns les autres à comparer et déguster, bien arrosées, les fameuses brioches. Souvent les plus gonflées, jusqu’à 15 ou 20 cm d’épaisseur, n’avaient… pas grand chose dans le ventre !
J’avais une tante, par ailleurs excellente cuisinière, qui « loupait » régulièrement toutes ses pacaudes, abusant dans leur préparation de beurre et de sucre… pour faire meilleur ! Le résultat était là, elles se refusaient désespérément à lever. Epaisses comme deux mains, la moitié inférieure avait toujours la « caux » (pâte sans yeux). Tous les ans, elle jurait que c’était la dernière fois, qu’elle ne recommencerait plus jamais… Et cela tenait jusqu’au Vendredit Saint de l’année suivante !
… Après la guerre, les boulangers firent tous de la brioche et cela soulagea bien des ménagères. Dans quelques rares hameaux, on chauffe encore le four pour faire cuire la galette.
SOURCE
« JADIS EN VENDEE » – Vie quotidienne et Coutumes au début du XXe siècle.
De Louis Barbarit. Textes rassemblés par Claude Mercier.
Aux Editions l’Etrave/La fin de la Rabinaï
J’ai rencontré Claude Mercier au dernier « Printemps du Livre » à Montaigu, il y a deux semaines et il m’a autorisé à publier cet émouvant texte, symbole d’une période que je n’ai pas vécue mais sur laquelle j’aime me retourner ; il est important de connaître et surtout ne pas oublier notre passé dans ce monde qui avance tellement vite.
Si tu as la recette, je suis preneuse car en la matière on trouve tout et n’importe quoi ! En revanche, je me penche de plus près sur la gache, pour percer à jour ses secrets…
Je la trouve très sympa cette tradition et regrette presque que les boulangers vendent de la brioche… se réunir comme ça, autour d’une pacaude, ça devrait être éternel tellement ça sent bon dans tous les sens du terme !