La Mizotte de Vendée n’est plus
La Mizotte de Vendée fut,
La Mizotte de Vendée n’est plus.
C’est peut-être ce que déclamera désormais, avec tristesse, Sacha Defer mon fromager préféré des Halles de La Roche-sur-Yon, lui qui avait créé un fameux slogan pour vanter ce fromage, fleuron de la production vendéenne.
Les vendéens se sont emparés de ce fromage à pâte molle en le considérant comme un patrimoine de la gastronomie vendéenne. Je ne suis pas complètement d’accord. C’est en réalité une création assez récente, des années 70. On ne peut donc pas dire que ce soit une recette ancestrale, mais plutôt une création dite de « marketing », pour répondre à une demande ou plutôt créer l’offre – ainsi que le faisait remarquer très justement un ami sur les réseaux sociaux.
Une offre qui a surtout fait le bonheur des touristes, en mal de ramener un souvenir au moment de boucler les valises. La Mizotte était en tête de ces produits gastronomiques, parmi bien d’autres, que l’on aime déguster une fois revenus dans le train train quotidien. Un moment de blues au retour de quelques jours de vacances sur le sable fin des plages vendéennes ? Le remède anti-nostalgie : un verre de troussepinette ou de vin des Fiefs Vendéens, un petit morceau de Mizotte, du pain et du beurre salé à la fleur de sel de Noirmoutier, et hop ! la magie opère. Bon, c’est éphémère, n’est-ce pas, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était !
La recette de la Mizotte fut élaborée dans une laiterie de Nieul-sur-L’Autize, et la fabrication transférée ensuite à Saint-Michel-en-L’Herm, dans ce coin de Vendée baptisé – non sans raison – Pays né de la mer. Nous sommes à proximité de Luçon, dans le Sud-Vendée, pas très loin de la côte : l’Aiguillon-sur-Mer, Jard. Les marais salants du pays ont donné, en toute logique, leur nom au fromage. Ou plus exactement une plante de ce marais : la mizotte, herbe de pré-salé répandue dans la Baie de l’Aiguillon. Les créateurs de la recette imaginèrent de frotter sa croute avec un vin blanc de Mareuil. La Mizotte trouvait ainsi sa particularité qui allait en faire un incontournable des ventes.
La Laiterie de Saint-Michel-en-L’herm est hélas passée, ces dernières années, dans le giron du groupe industriel Bongrain. On le sait, tradition et rentabilité ne font pas bon ménage dans la grande industrie où les sentiments n’ont aucun poids face au bruit du tiroir-caisse. Le couperet est donc tombé : plus de Mizotte fabriquée en Vendée.
C’était déjà le cas pour le lait « Petit Vendéen« , toujours commercialisé mais fabriqué désormais en Bretagne. Est-ce à dire que la Mizotte serait fabriquée ensuite dans une autre usine ? Affaire à suivre. Mais il n’empêche que c’est un coup dur pour la laiterie de Saint-Michel-en-l’Herm qui va maintenant devoir produire du lait concentré, selon les exigences du Groupe Bongrain !
La Mizotte n’est certes pas mon fromage de prédilection. Je lui préfère d’autres aux saveurs nettement plus affirmées. Il n’empêche que j’aime le mettre en valeur sur un plateau, quand je reçois des amis qui ne le connaissaient pas. Sa texture est très onctueuse. Certains le classent dans les « fromages qui puent » ! Ça me paraît exagéré, mais il a un agréable parfum, c’est indéniable.
Escargots à la Mizotte – Photo Pascal RABOT – Editions Mines de Rien
J’aime aussi le cuisiner : que ce soit en risotto, comme pour la recette ICI, ou avec des escargots comme je l’ai proposé dans une recette de mon livre Vendée le goût de l’authentique, (photo ci-dessus) aux Editions Mines de Rien ou récemment dans l’émission Météo à la carte sur France 3, la Mizotte s’est à plusieurs reprises retrouvée sur ma table.
La Vendée n’est pas une terre de petits fromagers artisanaux traditionnels, comme on peut en trouver, par exemple, dans les montagnes. Hormis pour le fromage de chèvre. Les fromages au lait de vache sont essentiellement des créations de petites ou moyennes laiteries. Peut-être cela donnera-t-il l’idée à certains de créer un fromage avec une véritable entité. Il reste toutefois, derrière cela, un vrai problème : celui de la crise du lait !
En attendant, les hashtags #sauvonslamizotte fleurissent sur les réseaux sociaux, relayés par les amateurs qui ne veulent pas perdre leur fromage !
Et il nous reste aussi le slogan de Sacha Defer :
La mizotte de Vendée c’est le fromage que vous aimez,
La mizotte de Vendée c’est le fromage de l’été,
La mizotte de Vendée c’est le fromage de l amitié,
Et un coup de mizotte ça ravigote !
Pfffffffff…y en a ras le bol de toutes ces disparitions de produits régionaux……
Rentabilité… mondialisation…. prix bas… consumérisme de masse…. Nous avons tous notre part de responsabilité dans cette chaîne. Nous-mêmes consommateurs, il serait temps que nous acceptions de payer le juste prix du produit et non pas aller toujours au moins cher. Bon week-end Frédérique.
Si Frédérique veut sauver tout ce qui va disparaître… qu’elle mette la main au porte-monnaie. Comme le fait remarquer MarieFrance ce n’est pas en payant tout AU-dessous du prix que nous garderons les bons produits, les activités peu rentables… En ce qui concerna la Mizotte : ceux qui pleurent auraient se « réveiller plus tôt »… et la plupart n’en n’ont certainement jamais mangé ! Un excellent fromage blanc bio, de ferme, n’a rien à voir avec le même moins cher « grand public ».
Bonjour,
C’est un bien triste article sur deux plans.
D’abord sur le plan de l’identité régionale, quelque soit l’origine du fromage, la mizotte, c’est la vendée… en tout cas c’est ce que les vendéens disent et ils le disent avec fierté. Plus de mizotte en vendée, c’est comme l’Aveyron sans roquefort…
Ensuite sur le plan consommateur. Je ne vais pas faire l’histoire avant qu’elle se produise mais je doute que cette triste nouvelle arrive jusqu’au oreilles des consommateurs….ils vont continuer de croire à la belle histoire de la « mizotte Vendéene » alors qu’elle ne sera plus produite sur place.
Pour ma part, j’ai grandi en Aveyron avant de m’installer il y a deux ans en Vendée. J’ai cru pendant très longtemps que le roquefort société était une marque indépendante avant de découvrir récemment que Société appartenait a Lactalis. Le roquefort a cependant une chance que la mizotte n’a pas, il doit être produit a roquefort pour être appelé roquefort.
Merci Mickaël pour ce commentaire constructif. J’ai cru lire récemment que la Mizotte réapparaîtrait de nouveau, mais en tout cas plus fabriquée hélas en Vendée.
Je le croyais moi aussi pour Roquefort Société !