Escoffier et les catherinettes

Le 25 novembre est le jour où l’on fête les catherinettes, ces jeunes filles point encore mariées que l’on affuble toute la journée de chapeaux ridicules, verts et jaunes : le vert étant le symbole de la jeunesse et l’espérance de trouver un mari, le jaune celui du temps qui passe.

Une fête qui peut paraître désuète aujourd’hui. Ce qui était inhabituel au siècle dernier est devenue pratique courante désormais. Pourtant la tradition perdure, notamment dans les entreprises.

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Source image : Mes généalogies : métier de couturière

Ce que l’on a oublié, c’est que cette tradition existait à Paris, au début du siècle dernier, chez les cousettes, midinettes, grisettes et autres petites mains des ateliers de couture, Sainte-Catherine étant la patronne des couturières. Les jeunes filles non mariées coiffaient Sainte-Catherine et en profitaient pour faire la fête.

En 1927, un groupe de catherinettes a demandé au grand cuisinier Auguste Escoffier de bien vouloir leur composer un menu. Voici ce qu’il leur a mitonné avec beaucoup d’amour et une pointe d’espièglerie…

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Tout d’abord, un fin consommé aux pommes d’amour. Puis de beaux rougets de roche en papillotes. Ensuite viendront les suprêmes de pigeonneaux à la crème, entourés de têtes de champignons sur lesquelles de fines lamelles de truffes et de rognons de coq réaliseront l’harmonie de blanc et noir si fort en vogue. Une sauce piquante, à l’essence de poulet, enrobera élégamment le tout.

Ici, Mesdemoiselles, vous devez lever votre verre en l’honneur de Saint-Catherine, en attendant les mignonnes cailles enroulées de feuilles de vigne, qui vous seront présentées sur un lit de foie gras, aussi rose que vos joues printanières.

Ce mets savoureux sera accompagné d’asperges vertes à l’huile, symbolisant l’espérance de vos vingt-cinq printemps.

Enfin, des queues d’écrevisses cardinalisées apporteront le joli mot de la fin à votre appétit juvénile.

Je n’oublierai pas de vous conseiller la mousse aux fruits du paradis, parsemée de fleurs de pêcher cristallisées, sur lesquelles on aura jeté un voile blanc de sucre filé. Ce sera l’apothéose d’un repas que vous ne sauriez oublier.

Mais quel charmeur, ce Monsieur Escoffier, qui avait 81 ans quand il a écrit cette prose savoureuse, poétique et pleine de délicatesse.

Source : Almanach historique de la gastronomie française, Christian Guy aux Editions Hachette.

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