Amour, vins et coquineries

On l’a oublié, mais il fut une époque où chère et chair faisaient bon ménage dans la restauration parisienne, comme un théâtre des grands boulevards où des messieurs biens sous tous rapports venaient goûter aux plaisirs de la table et de la galanterie. La révolution française était passée par là, les bourgeois – nouveaux riches – de l’époque aspiraient aux plaisirs de l’aristocratie.

Dans ces grands établissements, pas question bien évidemment d’y amener sa femme. Ces messieurs y trouvaient matière à réjouir palais et sens avec leurs maîtresses ou quelques femmes galantes habituées des lieux. Gastronomie, sensualité et sexualité se mêlaient gaillardement, sans que cela ne choquât quiconque.

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Je vous invite à lire la thèse de Lola Gonzalez-Quijano sur ce sujet : passionnante et réjouissante ! VOIR ICI.

Les plaisirs de la chair et de la chère ont de tout temps été célébrés, et même chantés. Et quand ce sont des femmes de talent comme Colette Renard qui prêtent leur voix coquine, l’hymne devient une invitation à la gourmandise croustillante et diablement polissonne.

Que c’est bon d’être demoiselle
Car le soir dans mon petit lit
Quand l’étoile Vénus étincelle
Quand doucement tombe la nuit

Je me fais sucer la friandise
Je me fais caresser le gardon
Je me fais empeser la chemise
Je me fais picorer le bonbon

Je me fais frotter la péninsule
Je me fais béliner le joyau
Je me fais remplir le vestibule
Je me fais ramoner l’abricot

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Et toujours en chanson, elle terminait sa goilante avec celui qu’elle définissait comme un grand guignol mais à qui elle offrait au petit matin un café :

Mon homme est un vrai guignol, un vrai guignol, un vrai guignol
Voilà qu’il porte des faux-cols, porte des faux-cols, porte des faux-cols
Une rose à la boutonnière, le soir il joue au millionnaire
Pour les beaux yeux de la petite garce, de la petite garce
Du café d’en face

Il passe ses nuits dans ce sale bistrot
Près d’elle il fait le petit rigolo
Au matin quand Monsieur daigne rentrer
Moi je lui fais son café

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Juliette Greco, la grande dame en noir, s’y ait essayée aussi. D’abord de manière chaste, en évoquant la cuisine qui retient les petits maris :

 Les celles qui f’saient florès
En robe de Dior et sac d’Hermès
Rangées dans l’ musée Grévin
Du ciné-club ou de Sam Levin
Regrettent au temps joli
Du poivre et sel et du bigoudi
De ne pas avoir appris
La cuisine
Qui retient les petits maris
Qui s’ débinent

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Puis de façon plus libertine :

Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Oui, mais pas tout de suite
Pas trop vite
Sachez me convoiter
Me désirer
Me captiver
Déshabillez-moi
Déshabillez-moi
Mais ne soyez pas comme
Tous les hommes
Trop pressés.

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Aux plaisirs de la chère, il faut ajouter ceux de la dive bouteille. Qu’ils sont réjouissants ces quatrains volontairement paillards :

Narguons les pédants, les dévots,
Qui veulent effrayer nos âmes.
Aimons en dépit des cagots
Les vins vieux et les jeunes femmes.
Dieu créa pour notre bonheur
La beauté, le jus de la treille.

Je veux ce soir en son honneur
Chanter le con et la bouteille.

Ou plus poétiques avec cette petite merveille chantée par Michel Simon et Serge Gainsbourg :

D’avoir vécu le cul
Dans l’herbe tendre
Et d’avoir su m’étendre
Quand j’étais amoureux
J’aurais vécu obscur
Et sans esclandre
En gardant le cœul tendre
Le long des jours heureux
Pour faire des vieux os

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ou celle-ci, qui mêle patriotisme et ode au vin :

Sur les chemins de France et de Navarre
Le soldat chante en portant son bazar
Une chanson authentique et bizarre
Dont le refrain est « Vive le pinard ! »

{Refrain:}
Un ! deux !
Le pinard c’est de la vinasse
Ça réchauffe là oùsque ça passe
Vas-y, Bidasse, remplis mon quart
Vive le pinard, vive le pinard !

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Reste aussi la manière forte de Boris Vian, certes moins poétique, mais terriblement efficace !

Quand on est tout blasé
Quand on a tout usé
Le vin l’amour les cartes
Quand on a perdu l’vice
Des bisques d’écrevisses
Des rillettes de la Sarthe
Quand la vue d’un strip-tease
Vous fait dire : Quelle bêtise
Vont-ils trouver aut’ chose
Il reste encore un truc
Qui n’est jamais caduc
Pour voir la vie en rose

Une bonn’ paire de claques dans la gueule
Un bon coup d’savate dans les fesses
Un marron sur les mandibules
Ça vous fait une deuxième jeunesse

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Mais comme c’est la journée de la femme, je terminerai avec ces jolies rimes féminines de Juliette :

Dans un corps vide entrer mon âme,
Tout à coup être une autre femme
Et que Juliette Noureddine
En l’une ou l’autre s’enracine.
Élire parmi les éminentes
Celle qui me ferait frissonnante,
Parmi toutes celles qui surent s’ébattre,
Qui surent aimer, qui surent se battre,
Mes soeurs innées, mes philippines,
Mes savantes et mes bécassines

Julie, Juliette ou bien Justine,
Toutes mes rimes féminines
Clara Zetkin, Anaïs Nin
Ou Garbo dans La Reine Christine

Sur le céleste carrousel,
Choisir entre ces demoiselles
Camille Claudel, Mam’zelle Chanel
Ou l’enragée Louise Michel

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4 Responses

  1. Jean-Michel 71 dit :

    Mais de quel philtre mystérieux (ou malicieux) vous êtes-vous désaltérée qui vous ait donné cet esprit fripon décliné en cette douce verve libertine ?
    Belle Fête à la gent féminine…
    Jean-Michel 71

    • mariefrance.thiery dit :

      Bonjour Jean-Michel,
      il faut croire que cette ridicule journée de la femme m’a inspirée pour un article plus fripon que d’habitude. Et puis, j’aime beaucoup Colette Renard et les autres artistes évoqués. J’ai lié l’utile à l’agréable.
      Au plaisir,
      Marie-France

      • Mamilu7 dit :

        Joindre l’utile à l’agréable… Pour notre plus grand plaisir !! Merci pour ce partage … Je découvre votre blog et illico presto direction mes favoris.
        Bonne continuation

        • mariefrance.thiery dit :

          Bonjour Mamilu7 et merci pour votre passage. La porte sera toujours ouverte, n’hésitez-pas à la pousser quand vous repassez par là. Bonne journée.

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