Mes lectures gastronomiques de l’été
J’avais envie de vous ouvrir les portes de mon cabinet de curiosité estival, avec les lectures dédiées à la gastronomie qui m’ont enchantée ces dernières semaines.
En tête de ce trio, dans mon panthéon des auteurs humoristiques, Pierre Desproges.
Peu s’en souviennent, mais Pierre Desproges a publié des chroniques régulières, entre septembre 1984 et novembre 1985, dans la revue Cuisine et Vins de France. Etonnant, non, quand on connaît le côté irrévérencieux de l’artiste et celui plus engoncé de la revue gastronomique ?
Ces chroniques caustiques, fleurant bon la gaudriole, le cynisme, jouant avec dextérité sur le non sens, l’ironie et l’humour noir décapant, mêlent avec talent un amour incontestable des mots au service de la passion manifeste de son auteur pour la gastronomie et les vins. Cet homme était un jouisseur, au sens noble du terme. Je l’adorais. Et pour preuve de son excellent goût, il était marié avec une vendéenne de chez moi (mince, ce n’était pas moi) !
Desproges, encore des nouilles (je ne vous dévoilerai pas la contrepèterie, je vous laisse chercher vous-même), est donc une compilation hilarante et gourmande des chroniques publiées dans le magazine. La recette du cheval-melba (à faire avec un beau cheval, au poil lisse, c’est un signe de bonne santé, dixit ce cher Pierre Desproges) côtoie les chroniques L’amour à table (tout un poème !) et l’insolente Le mois de l’asperge – Le mois de Marie et de l’asperge. Entre chroniques et recettes totalement décalées, des petites phrases ou conseils ponctuent les chapitres, par exemple :
« Si vous voulez faire cuire des carottes sans casserole et sans eau, c’est très simple. Vous prenez neuf carottes, c’est très important. Vous prenez vos neuf carottes. Vous les comptez bien soigneusement. Les carottes sont neuf. Vous jetez une des neuf carottes : les carottes sont qu’huit ! »
Quant à sa recette fétiche du pâté de sardines – réalisé avec des sardines de Saint-Gilles-Croix-de-Vie où il avait une résidence, j’en ai fait un article que vous pouvez retrouver ICI.
Je vous le dis, ce livre est génial, à l’image de l’auteur des chroniques. Une bible à avoir dans sa bibliothèque pour rire et sourire sans modération tout en buvant un bon vin dont Pierre Desproges était très amateur et connaisseur.
DESPROGES, ENCORE DES NOUILLES – Les Echappés – 2014
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Lors du dernier Printemps du livre de Montaigu, j’ai eu la chance de pouvoir échanger avec Michèle Barrière. J’ai prix beaucoup de plaisir à discuter avec elle, car elle est très ouverte à la discussion et au partage de sa passion pour l’écriture.
Cette auteure peut s’enorgueillir d’une production importante d’ouvrages de qualité. Et autant vous dire qu’elle sait de quoi elle parle ! Historienne de la gastronomie, elle publie régulièrement des romans policiers historiques ancrés dans la gastronomie de l’époque évoquée. Mêler romance, histoire et gastronomie est une idée qui a tout pour me séduire. J’ai donc lu Meurtres à la Pomme d’Or dont l’intrigue se situe durant la période de la Renaissance. Les références gastronomiques y sont très fournies, c’est incroyablement documenté, cela m’a laissée admirative du travail de recherches réalisé. L’intrigue en elle-même est juste un peu faible à mon goût, ça se lit très vite, peut-être un peu trop vite. Néanmoins, j’ai envie d’en lire un autre pour réellement forger mon opinion, et ça reste dans tous les cas du très bon roman.
MEURTRES A LA POMME D’OR – Michèle Barrière aux Editions Lgf – Collection Livre de Poche – 2008
En revanche, ce que j’ai adoré sans aucune réserve, c’est le superbe livre LA FRANCE A TABLE, du même auteur, Michèle Barrière. Un livre-objet – tel qu’il se définit, mais tel qu’il est réellement – et décliné façon livres « pop-up« , avec au fil des pages des copies de documents d’époque insérés. Génial ! Ce beau livre ce déguste avec les doigts et les yeux.
Découpé en trois parties (1870-1918 – 1919-1945 – 1945-1975), l’ouvrage parcourt la gastronomie nationale au travers de la petite et grande Histoire.
On découvre les recettes traditionnelles de la cuisine bourgeoise comme la blanquette de veau ou les rognons sautés au madère ; on s’amuse des publicités telles que les potages Maggi ou la margarine Pellerin de Malaunay ; l’émotion pointe à la table des poilus et à la lecture de quelques lettres de soldats ;
j’ai déambulé les yeux émerveillés dans la cuisine luxueuse du paquebot Le Normandie et parcouru avec autant de plaisir, dans les documents joints, le menu du déjeuner de la classe touriste du 12 septembre 1936 ainsi que le menu très surprenant pour chien ; les repas de fête des années 30 comme par exemple un déjeuner de communion du 26 mai 1932 m’ont fait revivre les repas de famille de cette époque.
C’est vraiment un beau voyage dans le temps, à la fois réjouissant et émouvant. Et même si on ne fait que survoler lesdites époques, on ne peut que s’émerveiller comme les enfants qui tournent les pages de leurs livres pop-ups aux jolies images qui se déplient.
LA FRANCE A TABLE – La grande épopée de la cuisine française – Michèle Barrière – Mise en images de Jérôme Pecnaud – Editions Les Arènes, 2015 – Collection l’Histoire entre nos mains.
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Je vais terminer avec cet étonnant mais non moins passionnant livre : La cuisine totalitaire de Wladimir et Olga Kaminer.
Ce petit livre, version poche, est un vrai régal car il mêle le récit et les recettes. Tout ce que j’aime. Les auteurs sont originaires de Russie et font partie des derniers russes à avoir obtenu la nationalité est-allemande avant la réunification. Ils se sont amusés à l’écrire, et – preuve que c’est réussi – font aussi sourire le lecteur qui découvre les anecdotes désopilantes sur l’histoire des pays ayant étés marqués par le sceau du socialisme à la sauce soviétique. L’auteur, Wladimir, évoque notamment son service militaire et les colis reçus de la famille :
« … Le Moldave sentait la saucisse paysanne légèrement grillée, le Sibérien le Pelménis et la vodka, l’Ouzbek le raisin et le koumis. Gleb, notre camarade biélorusse, ne recevait jamais de visite mais sentait tout de même toutes les nuits les pommes de terre sautées.. » ce qui donne à l’auteur l’occasion de raconter comment ledit Gleb avait dérobé un sac de pommes de terre au mess pour ensuite les faire cuire sur un fin plat en métal et utiliser ensuite un fer à repasser en guise de four.
Bref, on parcourt les plaines du Caucase, l’Ukraine, la Géorgie, l’Azerbaïjan ou l’Ouzbékistan et bien d’autres. Les recettes sont sympathiques, et je vais d’ailleurs en faire dès que j’ai un moment, les textes se lisent avec plaisir et amusement. Je n’ai pas encore fini de le lire, mais déjà j’aime et je partage.
LA CUISINE TOTALITAIRE, de Wladimir et Olga Kaminer – Gaïa Editions, 2012 pour la traduction française – Editions Actes Sud, collection Babel, 2015.
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Voilà, je ferme pour aujourd’hui mon cabinet de curiosités. J’espère que vous avez aimé et reviendrai l’ouvrir prochainement, parce qu’il faut absolument que je vous fasse découvrir un livre superbe sur la cuisine des Crémets d’Anjou. Alors à très bientôt.
Bonjour,
Vous vous étonnez du paradoxe entre «le côté irrévérencieux de l’artiste et celui plus engoncé de la revue gastronomique»
Au contraire, pas surprenant que ces chroniques aient été publiées dans « Cuisine et Vins de France ». En effet, n’est-ce pas Curnonsky, Prince élu des Gastronomes, qui a fondé cette revue en 1947 !
Et Wikipédia m’apprend aussi du prince : «En 1930, il fonde l’Académie des gastronomes et l’Académie de l’humour…»
Humour et gastronomie… une seule et même grande famille ! Pierre Desproges ne pouvait, dès lors, que partager le “sel” de ses recettes dans « Cuisine et Vins de France ».
Et soyons, à tout jamais, reconnaissants à Jonathan Paxabouille (alias Jonathan Sifflé-Ceutrin) d’avoir inventer le pain pour saucer…
Cordialement,
Jean-Michel 71
Bonjour Jean-Michel,
c’est vrai, vous avez raison. Ce n’est tout compte fait pas un paradoxe, bien que l’auteur du livre le présente ainsi et que je l’ai repris sans réfléchir.
Quels gais lurons ces deux Jonathan ! Très drôles.
Belle soirée à vous.
Et soyons, à tout jamais, reconnaissants à Jonathan Paxabouille (alias Jonathan Sifflé-Ceutrin) d’avoir inventé le pain pour saucer…
Mille excuses
Jean-Michel 71
Desproges, j’adore. J’ai 2 ou 3 livres de ses citations, ma préférée :
Jacques Séguéla est-il un con? La question reste posée. Et la question restant posée, il ne nous reste plus qu’à poser la réponse. Jacques Séguéla est-il un con ? De deux choses l’une, ou bien Jacques Séguéla est un con, et ça m’étonnerait tout de même un peu, ou bien Jacques Séguéla n’est pas un con, et ça m’étonnerait quand même beaucoup.
Et l’avantage, c’est qu’on peu remplacer Séguéla par d’autres personnes, ça marche aussi.
Est ce que tu viens à la Foire du Livre de Brive, cette année ?
Ah ! Les citations de Desproges, quel bonheur et ça ne vieillit pas ! Celle-ci est très savoureuse. J’adore.
Oui, je serai à Brive, je serai ravie de t’y revoir si tu peux venir.
Bises.