La civelle : l’or blanc du marais vendéen…

Nous sommes au Pont Neuf, petit port à l’entrée de la Barre-de-Monts (Fromentine), dans le Marais Breton-Vendéen.

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Très typique, il est bordé de vieux pontons en bois, de carrelets et de cabanes d’ostréiculteurs.

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L’écluse du Porteau, en amont de l’étier, est la plus ancienne de la région ; répertoriée aux Monuments historiques, elle daterait du XVIIe siècle. Dans ce petit port comme dans ceux voisins des communes de Beauvoir-sur-Mer et Bouin, la civelle est depuis très longtemps une pêche traditionnelle.

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Le parcours de la civelle est étonnant, c’est une grande voyageuse ! Anguilles d’avalaison à l’origine, elles pondent leurs œufs dans la Mer des Sargasses (Est de la côte des Etats-Unis, au nord des Antilles), puis meurent après avoir couvé. Les larves sortent de leur lit et vont alors entamer une longue migration de deux ans, en suivant le Gulf Stream pour rejoindre l’Europe. Elles vont ensuite remonter les estuaires, à la recherche d’eaux douces, leur milieu de prédilection.

Au cours de ce voyage, elles vont petit à petit se transformer, de civelles plates à la naissance elles s’arrondissent pour prendre la forme qu’on leur connaît.

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Dans les années 50/60, la civelle foisonnait dans les étiers. Cette pêche très populaire était alors réservée aux pêcheurs à pied. En fin de journée, on assistait à un ballet de lampes à pétroles, les hommes s’installaient au bord du canal avec des petites échelles et ne tardaient pas à remonter dans leurs filets une abondante quantité de petites civelles ou pibales, comme on les appelle plus bas, en Charentes ou dans l’estuaire de la Gironde. Il y en avait en telle quantité d’ailleurs, qu’on la donnait à manger aux canards, on en faisait aussi de l’engrais ou même, plus étonnant, on la transformait en colle !

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A partir de 1967, le gouvernement français décida d’ouvrir la pêche aux bateaux.

Dans les années 1970/1973, l’Asie, principalement la Chine (Taïwan, Shangaï) s’est mise à en acheter massivement pour faire de l’alevinage. Cela n’a pas vraiment inquiété les pêcheurs locaux. L’Espagne était aussi un gros acheteur, la civelle, très prisée chez eux, produit réputé de luxe, se trouvait sur toutes les tables au moment des fêtes de fin d’année.

Au fil des années les quantités exportées ont pris de l’ampleur pour arriver à la situation de raréfaction que l’on connaît maintenant. Interdite depuis quelques années aux particuliers, donc réservée aux seuls professionnels, ces derniers n’en pêchent guère qu’entre 1 à 10 kilo maximum par sortie. Cette rareté lui a très vite valu le surnom «d’or blanc ».

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On dénombre environ 150 civelliers sur le département de la Vendéee, depuis la Baie de l’Aiguillon, en passant par Saint-Gilles-Croix-de-Vie jusqu’à La Barre-de-Monts, Beauvoir-sur-Mer. A Saint-Gilles, les pêcheurs remontent plutôt l’estuaire de la Loire pour la pêcher (Paimboeuf, Saint-Nazaire…). Les civelles de loire sont cependant réputées de moins bonne qualité, en raison principalement de la pollution chimique des centrales de Donges et Cordemay.

La période de pêche est réglementée : essentiellement du 1er décembre à fin avril. Elle se pratique à marée montante, de préférence en eau trouble et en surface, car les civelles recherchent l’eau douce. La température de l’eau ne doit pas descendre en dessous de 8° pour assurer de belles pêches.

 

Les bateaux (pibaliers), bridés à 100 cv pour ne pas abîmer le poisson et préserver l’éco-système, forment une ronde incessante tout au long du canal, les hommes remontent les pibalous (grands filets en forme d’entonnoir) où le précieux or blanc s’entasse.

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Ces pibalous ont des formes différentes selon les régions,

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plutôt rectangulaires à Saint-Gilles, ils adoptent une forme ronde à Fromentine.

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Très lourds à remonter, c’est une pêche assez physique, et beaucoup des pêcheurs, pour l’anecdote, sont obligés d’aller régulièrement consulter des ostéopathes.

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Une fois pêchées, les civelles sont vendues aux mareyeurs, puis une sélection drastique est faite pour es envoyer aux éleveurs, via l’aéroport de Roissy.

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Il y a très peu de mortalité dans les quantités envoyées, et du reste l’Asie en tolère seulement 5 % maximum, sinon c’est récupéré sur une prochaine expédition.

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Arrivées en Chine, les civelles passent au tamis pour être égouttées pendant une dizaine de minutes, puis elles sont mises en bassin. Au bout de 6 mois, elle atteignent le poids d’une anguille, à peu près 200 g.

Afin de protéger le marché Européen (notamment l’Europe du Nord, grande consommatrice d’anguilles fumées), Bruxelles a décidé cette année de fermer le marché asiatique ; le quota total imposé pour l’année est de 44 tonnes, dont seulement 12,9 tonnes pour l’Asie. Les prix ont donc chuté, passant de 700 à 1000 euros le kilo à 200, voire 150 euros, selon les dernières sources.

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Il faut savoir que de 150 euros le kilo, le prix vendu aux mareyeurs, il passe à 300/400 euros quand les civelles ont atteint 3 à 4 cm, puis 700/1000 euros au stade de 10 cm. Sur un kilo payé 1000 euros en Asie, 600 kg au stade d’anguilles sont ensuite revendues à 10 euros le kilo.

Sans le marché asiatique, il est évident que tous ces petits bateaux côtiers risquent à terme de disparaître. La civelle représente pour les pêcheurs une activité hors saison qui leur permet de faire tourner les bateaux, de pêcher les petits poissons, et leur assure par conséquent la survie. D’où leur colère récente et leur grève. Reste à savoir si Bruxelles en tiendra compte, rien n’est moins sûr.

(Merci à l’Office du Tourisme de La Barre-de-Monts qui nous a offert cette intéressante visite du 22 février dernier, commentée par Monsieur Philippe Moreau, ancien professionnel de la vente en poissonnerie et quelques pêcheurs qui ont accepté de se prêter à la démonstration).

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Vous retrouverez aussi cet article sur le magazine du mois de mars du site : manger du poisson.com

(CLIC ICI)

9 Responses

  1. Marie-Claire dit :

    vraiment intéressant ! Merci pour ce reportage !

  2. patriarch dit :

    Je savais que les japonais en étaient très friands…. Bises !

  3. Merci ,je ne connaissais pas

  4. mtv dit :

    Quel bel article intéressant et si bien illustré, merci pour la balade 😉
    Amicalement de la vallée

  5. berges dit :

    reportage partisan qui ne parle pas du risque de disparition de l’anguille dans nos rivières la pêche des alevins est interdite en France ils bénéficient de dérogations le décret 94157 article 15 le précise bien. Question peut-on continuer à pêcher une espèce en danger en plus en étant hors la loi ??? 1000 kgs de civelles représentent
    2 800 000 anguilles adultes faites le calcul pour les tonnes qu’ils captures alors qu’il n’y a plus d’anguilles (ou très peu dans nos rivières). Un pêcheurs d’anguilles de loisir

  6. berges dit :

    Reportage partisan qui ne parle pas que l’anguille est en grand danger dans toutes nos rivières. Que la pêche des alevins est interdite en France Décret 94157 article 15 que l’autorisation de pêche des pibales est dérogatoire. Peut-on continuer un pillage d’espèce en danger voila la vrai question??? pour 1000Kgs de civelles 2800000 anguilles qui ne coloniseront pas nos rivières.

    • mariefrance.thiery dit :

      Bonjour Peyo.berges,
      oui, vous avez certainement raison, et vous avez bien lu entre les lignes. Je n’ai pas pu m’empêcher de rendre ce reportage partisan d’une pêche d’un produit qui me rappelle de bons souvenirs gustatifs quand j’étais gamine, tout comme de bons souvenirs de retours de pêche avec mon papa, retours de pêche à la civelle ou aux anguilles de marais.
      Mais là où je vous donne raison aussi, c’est qu’inévitablement il faudra y mettre fin à un moment ou un autre pour préserver les anguilles. Je le sais, j’en ai conscience, et je partage votre opinion… même si mon article semble montrer le contraire.
      Par cet article, j’ai voulu aussi montrer un pan de notre histoire locale, et je sais très bien qu’elle est amenée à disparaître. Les pêcheurs devront malheureusement – pour eux – se tourner vers d’autres activités.
      Merci de votre passage, au plaisir.

  7. Olivier dit :

    Bonjour et merci pour ce reportage très bien documenté -pas du tout « partisan » !
    Je me permets juste d’ajouter un élément au tableau : la pêche se pratique essentiellement la NUIT ce qui la rend exténuante.
    Sûrement qu’il faut limiter la pêche aux alevins ! Ca redonnerait du travail aux pêcheurs de Loire avec l’anguille d’avalaison. Et il y aurait évidemment plus de pibales en quelques années ! Enfin petit point : quand vous avez un bateau amarré l’hiver dans un étier, je remercie les pibaliers de pêcher tranquillement (c’est le mode de pêche) mais j’en exècre certains de repartir à fond en cassant tout -pire que les tempêtes et la nuit, ni vu ni connu !

    • MarieFrance.Bertaud dit :

      Bonsoir Olivier, et merci beaucoup pour cette précision. Pour les pratiques, hélas, il y aura toujours certains pêcheurs pour ne pas respecter les règles. Heureusement qu’ils ne sont pas légion. Au plaisir, et portez-vous bien en ces temps de confinement.

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