La grâlée ou grillée de mogette

La grillée de mogette ou gralaïe en patois vendée – Des souvenirs d’enfance, des émotions aux relents de gourmandise…

Les bonbons achetés chez l’épicière… Un lieu de perdition sur la route de l’école, à quelques mètres de l’église, où il faisait bon déposer sur le vieux comptoir les quelque sous en poche. Les yeux se faisaient pétillants et pleins de convoitise devant toutes les tentations sucrées et colorées. Il fallait alors choisir entre les jolies capsules aux couleurs pastels emplies d’une poudre amère lorsqu’elle se déversait dans la bouche, les carambars, malabars, rouleaux de réglisse et autres douceurs. Plus qu’une épicerie, une caverne d’Ali Baba où seule la propriétaire pouvait se retrouver dans tout le bric à brac qui se déversait des étagères, une dame à l’allure de gentille sorcière avec ses habits noirs et sa fine moustache au menton. Le petit sac plein de douceurs était ensuite enfoui au fond de la poche ou du cartable et on le ressortait, comme un trophée, au moment de la récréation, pour quelques échanges avec les copines.

Les années passent, d’autres souvenirs gourmands affluent, parce que les goûts changent, s’affinent…

La mogette a aussi une forme de bonbon, elle ressemble à un bonbon mais ce n’est pas un bonbon. Quoi que…  les petits lingots blanchâtres égrainés de leurs cosses sont tout aussi alléchants que les sucreries achetées chez la vieille épicière.

Les lingots de mogette – les petous comme disent certains affectueusement – sont mis à tremper toute la nuit lorsqu’ils sont secs (pas nécessaire si ce sont des demi-secs). Le lendemain, ils mijotent, frémissent doucement dans la cocotte au coin du feu, avec ail, oignon, un peu de laurier. Chauds, ils accompagnent le rôti de goret’ ou le gigot pour le repas du dimanche midi.

La mogette fait partie intégrante du patrimoine culinaire vendéen. Me revient en mémoire un retour de voyage professionnel dans les pays de l’Est, il y a quelques années. En arrivant à proximité des collines bocagères de Vendée, l’ami chef d’entreprise qui m’accompagnait n’a pu s’empêcher de s’écrier : « ah ! vivement que je puisse à nouveau manger une assiette de mogette ». Le retour au pays était synonyme de retrouvailles avec la gastronomie locale.

Et le soir, il faut bien manger les restes. Oh ! On va faire simple, jugez-en. Juste une tartine grillée, la grillée de mogette, grâlée ou graillée, que connaissent bien les familles vendéennes, des terres humides de marais aux collines du bocage. Une tartine tout bonnement garnie avec le surplus de mogette.

Dans le bocage vendéen, les gralaïes de mogette sont connues sous le nom de routies.

Dans la cheminée, on fait griller une épaisse tartine de pain de quatre livres. Le beurre salé (autrefois, dans les fermes, on utilisait le beurre de pot’) est étalé grassement et ensuite vient la mogette, froide (ou parfois réchauffée). Certains l’aiment pas trop cuite, les lingots encore fermes… Beaucoup chez les anciens la préfèrent au contraire très cuite, elle s’écrase à la fourchette et se réchauffe au contact de la tartine craquante, juste sortie de la braise. Ça coule un peu sur les mains, mais que c’est bon. Le mac’much peut aller se faire voir ailleurs !

De nos jours, il est devenu bien difficile de trouver du pain de quatre livres, mais la graillée supporte tous les pains, qu’on se le dise !

Même sans cheminée, on peut se faire une belle gralaïe de mogette. Il suffit d’un bon vieux grille-pain pour faire rôtir le pain, et hop ! le tour est joué.

Le petit plus, si vous aimez l’ail : frottez la tartine grillée avec une gousse – façon préfou – avant de beurrer et étaler la mogette.

Nous avons tous une madeleine de Proust. En Vendée c’est la tartine de mogette. Et what else ? Nothing more !

Il me prend l’envie d’une graillée de mogette, tiens. Je vous laisse, ça ne peut pas attendre…

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