Le goût des pépins de pomme…
… La maison était plongée dans l’obscurité. Il avait franchi l’entrée à pas lents et longé ensuite la maison et la grange en direction du verger. Mais il s’était senti tout à coup terriblement gêné de se retrouver là comme un rôdeur, aussi avait-il résolu, plutôt que de revenir sur ses pas, de pousser carrément jusqu’au fond du verger, avec l’idée de sortir par l’arrière en escaladant la palissade et de s’en retourner au chemin de l’écluse en coupant à travers le pâturage qui jouxtait la propriété. Alors qu’il passait sous l’abondante frondaison des pommiers, un cri lui échappa. Quelque chose de dur venait de le heurter au-dessus de l’oeil gauche. Pas une pierre, ce n’était pas si dur, en revanche c’était humide et, en percutant sa tempe, la chose avait éclaté.
Une pomme.
Plutôt un trognon de pomme. La moitié inférieure de la pomme manquait, la moitié supérieure avec la queue gisait en deux morceaux à ses pieds. Lexow s’immobilisa, le souffle court, respirant par saccades. Dans l’arbre, il y eut un bruissement. Il scruta le feuillage épais au dessus de sa tête mais il faisait trop sombre. Carsten eut pourtant l’impression de voir vaguement luire, là-haut, quelque chose de gros, de blanc. Un autre bruissement se fit entendre et un tremblement convulsif parcourut les branches de l’arbre. Lorsque la jeune fille sauta de l’arbre et se reçut sur le sol avec un bruit sourd, il ne put la reconnaître tant son visage était proche du sien. Le visage se rapprocha encore et embrassa Carsten sur la bouche. Il ferma les yeux, la bouche était chaude et avait un goût de pome. De boscop. Et d’amande amère. Un goût qu’il ne devait jamais oublier.
Avant qu’il eût pu dire quelque chose, la bouche de la jeune fille se posa sur la bouche de Carsten qui lui rendit son baiser, et tous deux s’affaissèrent alors dans l’herbe, sous le pommier, et c’est en haletant et avec des gestes maladroits qu’ils se débarrassèrent mutuellement de leurs habits. La nymphe arboricole de Carsten ne portait qu’une chemise de nuit, il ne devait donc pas être trop difficile de l’en délivrer, n’empêche que lorsque deux personnes veulent se déshabiller, se déshabiller l’une l’autre tout en continuant à s’embrasser et sans cesser de se tenir enlacées, alors ce n’est pas si simple, surtout s’il s’agit de personnes n’ayant pas l’habitude de ce genre de chose. Mais ils le firent et firent encore bien davantage, et la terre s’embrasa autour d’eux, et le pommier sous lequel ils étaient étendus se mit, bien que l’on fût déjà en juin, à bourgeonner pour la deuxième fois…
Ce passage est extrait du très beau roman de Katharina Hagena, « Le goût des pépins de pommes », que je suis en train de lire.
L’héroïne, Iris, hérite de la maison de sa grand-mère et petit-à-petit, va retisser les liens de l’histoire familiale, ou les petits et grands évènements ont souvent été liés à la pomme.
C’est joliment raconté, avec finesse et aussi humour, beaucoup de légèreté et de virtuosité au fil des mots, dans cette découverte du destin des femmes de la famille que le lecteur fait en même temps qu’Iris.
Après avoir fermé les pages de ce livre, une envie nous prend d’un coup de déguster une belle et chaude tarte aux pommes…
C'est effectivement un très beau livre, très agréable à lire.
C'est délicieusement gourmand cette petite lecture, merci Marie France, j'en reprendrai volontiers une petite cuillerée…
Bises !
Je vais y goûter, car comme Adam, j'aime bien les…pommes !!
Belle journée avec bises !
Denise : je vois que tu l'as lu, toi aussi, ce livre, c'est une belle découverte pour moi et je le recommande vraiment….
Lulu sorcière, ne te gêne pas pour en prendre une petite cuillerée, je sais que tu aimes lire, tu devrais apprécier ce livre.
Patriarch : bonne dégustation avec ton Eve -:)
waou zen veux zen veux
Oh oui, moi aussi, je l'ai remarqué ce livre et je crois que durant l'été je me l'engloutirai. La fin du passage cité est très … savoureuse ! Bonne semaine Marie-France !
Merci pour ton invitation. Je viens d'en faire un billet.